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de passion qu’il a pour vous et l’excès de la délicatesse vous ont incommodé quelquefois, mais enfin tout ce qui se fait par excès d’amour doit estre pardonné...

« Pour venir déguisé, je m’y oppose ; (l’entreprise) me paroist trop dangereuse, et c’est tout comme vous le dites, pour ruiner nos affaires pour jamais. Croyez-vous que si j’eusse pu imaginer quelque moyen pour vous voir, que j’eusse attendu à vous le dire que vous me le demandassiez ? Il y a longtemps que j’en aurois profité et je ne me verrois dans le chagrin où je suis. Ne songez point que vous puissiez venir sans estre connu ; ce seroit une espèce de miracle, et il ne s’en fait plus dans le temps où nous sommes... »


Sophie-Dorothée proclame Konigsmarck le modèle des amans et, presque aussitôt, tombant à son tour dans le travers dont elle l’adjure si souvent de se corriger, elle récrimine amèrement sur les plaisirs qu’il prend en son absence.

Les plaintes de la princesse cèdent devant des préoccupations autrement graves : la lecture de son contrat de mariage ne lui laisse aucun espoir de disposer de la moindre partie de ses biens :


« Mercredi (19/29 juillet).

«... Vous vous trouvez beaucoup de flegme pour tout ce que je fais, et je vous assure que je n’en ai pas moins pour tout ce qui vous regarde. Je suis bien heureuse d’estre dans ces sentimens, car sans cela j’aurois esté fort touchée de la feste que vous avez donnée hier au soir à la Platen et à toutes les dames. Stubenfol en a fait le récit à table dont tout le monde a été charmé. L’on a trouvé que rien n’estoit mieux imaginé et que tout y marquoit la politesse et la galanterie. Je ne suis point surprise que vous vous soyez surpassé, les objets en valent bien la peine, et quand on est animé par tant de charmes, on réussit toujours parfaitement. Je vous avoue que je n’ai aucune peine à suivre vostre conseil et que je me sens tout disposée à demeurer icy autant qu’il vous plaira. J’ai beaucoup de grâces à vous rendre de toutes les nouvelles dont vous me faites part. Je fais aussi mille vœux pour la continuation de vos plaisirs et je vous assure que je serois au désespoir de les troubler par ma présence. Je ne sais comment vous voulez que j’accorde l’empressement que vous avez pour savoir ce que je fais, avec l’indifférence que