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marque bien vostre tendresse ! Mais pouvez-vous l’avoir, cette pensée, elle blesse ma délicatesse, et je veux que vous croyez fortement que je suis incapable d’estre un moment sans ma passion. Elle fait tout le bonheur de ma vie, elle m’est chère et je veux qu’elle meure avec moi... que mon cœur est plein de vous, et que je vous adore...

«... Je me sens un redoublement de tendresse pour vous qui me met hors de moi-même. Je ne suis point contente de tout ce que je vous dis de ma passion. Je la sens infiniment davantage que je ne peux vous le dire : elle va à l’adoration et à donner ma vie mille fois pour vous. C’est bien le moins que je puisse faire pour toutes vos bontés. Il ne se passe point de jour que vous ne m’en donniez mille marques et où je n’aye de nouvelles grâces à vous rendre. Comment m’acquitter de tout ce que je vous dois en toute ma vie ? Quoi que j’en puisse faire, je n’en ferai jamais assez ; mais enfin mon cœur et mon âme sont à vous depuis que je vous connois et ils y seront éternellement. Disposez-en, vous en estes absolument le maistre, et vous les trouverez toujours soumis à vos volontés. Il est vrai que rien ne fait tant de plaisir et ne soulage tant que les lettres de ce qu’on ayme, surtout quand elles sont bien longues ; je connois toute la joye qu’elles donnent, et c’est pourquoi je suis si sensible quand les vostres ne le sont pas. Je vous en ai marqué mon dépit par ma lettre de samedi, mais il a parlé tout seul, et mon cœur n’y a aucune part. Il est pour vous comme vous m’assurez que le vostre est pour moy. Il vous défend toujours et il est bien plus dans vos intérêts que dans les miens...

« N’accusez pas ma passion d’estre journalière : dans tous les momens de ma vie, vous en devez estre content, et exceplt de petits dépits qui ne viennent que d’excès de délicatesse, vous n’avez pas besoin de toutes les excuses que vous me faites d’avoir manqué un jour de la semaine à m’escrire. Il y a longtemps que vous estes pardonné, et quand j’ay voulu vous accuser de négligence, mon cœur vous a si bien défendu que je vous ai bientost cru innocent.

« Je n’y veux plus songer... je ne veux m’occuper que de tout ce que vous me dites de vostre tendresse : elle me chatouille, elle m’enchante, elle me fait un plaisir que je ne peux bien vous exprimer. Continuez dans ces sentimens charmans, ils font tout le bonheur de ma vie. Que je vous ayme d’estre