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celle du Pape et même il écrivit au prince pour lui démontrer la nécessité de cette renonciation, ce qui lui valut une lettre dans laquelle la raillerie s’alliait au respect, et qui lui prouva que ses conseils, bien qu’inspirés par le plus pur patriotisme, ne seraient pas écoutés.

Après le malheureux essai de restauration monarchique auquel mit fin la fameuse lettre, du 27 octobre 1873, il parut disposé à abandonner l’arène politique. Il était plus que septuagénaire, et la fatigue de ses longs travaux se traduisait en graves atteintes à sa santé. Mais, si le repos lui était devenu nécessaire, l’intrépidité de son âme toujours jeune le retenait au seuil de la retraite ; il ne parvenait pas à s’y résoudre. Nommé sénateur inamovible à la dissolution de l’Assemblée Nationale, il resta sur le champ de bataille et y combattit deux ans encore, toujours semblable à lui-même et plus que jamais fidèle aux opinions de ses jeunes années.

Cependant, ses forces déclinaient. En 1876, écrasé par la charge de son épiscopat, il demanda et obtint un coadjuteur. L’année suivante, appelé au Sénat, par un débat important, il dut se faire porter à la salle des séances. Mais, si le corps s’épuisait, l’âme conservait toute sa force et le cerveau toute sa lucidité. A cette époque, le pape Léon XIII manifesta l’intention de le nommer cardinal, et rien ne pouvait lui être plus sensible que cette nomination qui, en manifestant pour lui la faveur du Saint-Siège, eût été une réponse décisive aux attaques des intransigeans du parti catholique. Le gouvernement était alors dirigé par M. Dufaure et se montrait tout disposé à seconder les intentions du Souverain Pontife. Mais il demandait à Mgr Dupanloup de renoncer à protester, ainsi qu’il en avait manifesté le dessein, contre la célébration du centenaire de Voltaire, qui se préparait. L’évêque refusa de se soumettre à cette injonction et le chapeau cardinalice que le Pape lui destinait resta à Rome.

Au surplus, il touchait au moment où, pour les hommes qui n’attendent de récompense que du témoignage de leur conscience, les plus grands honneurs, même quand ils sont mérités, perdent tout leur prix. Il sentait la mort approcher et, de plus en plus, il se désintéressait des choses humaines, sauf en ce qui touchait la défense de la cause religieuse. Au mois d’octobre suivant, il résidait au château de Menthon en Savoie, où il était