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diriger son petit séminaire et qu’il prêche à Paris et à l’étranger, il publie toute une suite d’opuscules et même de livres en faveur de la liberté d’enseignement que ses illustres émules, Lacordaire, Ravignan, Montalembert et les membres les plus éminens de l’épiscopat défendaient avec lui. Plus encore que par le passé, il déploie une activité prodigieuse sans se laisser décourager par les déboires qu’il rencontre sur son chemin. Le plus cruel fut le dissentiment qui s’éleva, en 1845, entre lui et Mgr Affre, successeur de Mgr de Quélen à l’archevêché de Paris. Ce fut au sujet des méthodes pédagogiques appliquées dans l’institution qu’il dirigeait. Celles que prônait l’archevêque étaient différentes, et les divergences s’accusèrent bientôt assez vivement pour entraîner le départ du supérieur. Cette espèce de disgrâce fut atténuée au moins dans la forme par sa nomination comme chanoine de Notre-Dame à laquelle le Saint-Siège ajouta bientôt celle de protonotaire apostolique. Mais cela n’était pas suffisant pour le consoler d’avoir dû se séparer de ses élèves de Saint-Nicolas du Chardonnet, sa peine ne fut pas moins vive que lorsque, onze ans avant, il avait été en quelque sorte expulsé du catéchisme de la Madeleine. Mais son chagrin ne l’empêchait pas, comme il le disait, « de regarder la Providence en face et de marcher. »

A ce moment déjà, sa réputation s’étendait au delà de la frontière et, comme il était né en Savoie, ancienne province du Piémont, le roi de Sardaigne l’invita à venir se fixer dans ses Etats où il serait libre de se choisir un évêché. Dupanloup déclina ces offres flatteuses, alléguant qu’il avait la plus extrême répugnance pour l’Episcopat, même en France, « même à Versailles, » et que, d’autre part, la Providence le retenait à Paris. Il y resta donc, continuant à exercer son ministère avec un zèle inlassable. La Révolution de 1848, avec les conséquences qu’elle semblait avoir au point de vue religieux et social, eut pour effet d’exciter ce zèle et, devenu propriétaire du journal l’Ami de la Religion, il préluda à la campagne très active dans laquelle il allait se jeter en faveur de la liberté d’enseignement.

Alors commença la phase la plus brillante et la plus laborieuse de l’existence sacerdotale de Dupanloup. Depuis longtemps, il était sollicité par les autorités ecclésiastiques de se laisser nommer évêque : il leur répondait, comme il avait répondu à l’ambassadeur du roi de Sardaigne, en refusant un