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sur les marches des dais vides, n’était pas seulement la poussée inconsciente d’instincts héréditaires. Voici qu’il dicte aux avocats, aux journalistes, aux politiciens, à l’élite qui dirige le mouvement nationaliste, une manifestation plus durable et plus réfléchie.

J’entends bien que cette accalmie n’est pas l’œuvre du Roi seul. Les fonctionnaires de l’Indian Civil Service ont utilisé avec tant d’art les souvenirs historiques et les légendes religieuses, que ces fêtes devaient exercer sur les imaginations populaires une action profonde. Lord Charles Hardinge, en réservant pour le Durbar de Delhi la promulgation des réformes administratives et des largesses fiscales, les unes hardies, les autres généreuses, lui assurait un durable retentissement. Il eût été moins grand si le décret avait été lu, en face des mêmes spectateurs, dans un décor identique, du haut d’un dais semblable, mais au pied d’un trône vide. La présence de l’Empereur et Roi donnait à ces évocations historiques plus d’éclat et à ces promesses politiques une garantie. Ces pompes n’avaient rien d’artificiel. Ces engagemens prenaient la valeur d’une charte.

George V s’est d’ailleurs attaché par ses discours à frapper l’imagination et à conquérir la sympathie de ses sujets indiens. Jamais il n’a été mieux inspiré. Ses allocutions, plus longues que de coutume, n’ont rien de banal, ni dans la forme, ni dans le fond. Il n’a point impunément sillonné les routes mouvantes de l’Empire. Les problèmes lui sont connus. Les âmes lui sont familières. Il connaît les choses dont il parle. Il sait à qui il s’adresse. Les souvenirs de sa jeunesse rendent la parole plus vibrante et dictent des formules plus hardies [1].

A Bombay, le 2 décembre 1911, George V rappelle « qu’il n’est point un étranger » sur le sol indien. En ouvrant le Durbar de Delhi, il salue une terre, « qu’il a déjà appris à aimer, » et où il « a déjà trouvé la douceur d’un foyer. » L’allocution qu’il prononce pour répondre aux souhaits de bienvenue, exprimés par la municipalité de Delhi, contient tout un programme de réformes agricoles et hygiéniques. Le 7 janvier, l’Université de Calcutta recevait les souverains. George V prend de nouveau la parole. Il donne à l’émancipation intellectuelle

  1. Avant de monter sur le trône, George V était allé trois fois aux Indes et à Ceylan. Son dernier voyage en 1905 et surtout le discours, prononcé au Guildhall le 7 mai 1906, eurent un grand retentissement dans l’Empire indien.