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obtenir une seconde médaille avec le portrait de M. Benoît Champy, président du Tribunal de la Seine, qui parut l’œuvre d’une intelligence décidée et d’une virtuosité déjà savante. Un autre portrait de jeune fille à mi-corps méritait cet éloge : « Mlle Jacquemart a saisi avec bonheur l’esprit et la tournure d’une jeune fille qui semble marcher. L’ajustement de la coiffure et des plis de la robe est d’un grand goût et l’exécution en est aisée autant que hardie. En réalité, c’est, surtout, d’une vigueur et d’une franchise rares chez les artistes femmes. » En. 1869, le portrait de M. Duruy assure sa réputation. « Si nous n’avions pas là, dit Paul Mantz, ce vivant portrait de Charles Garnier par Paul Baudry, le prix du genre appartiendrait cette année à une femme, Mlle Nélie Jacquemart. C’est un nom qu’il n’est pas permis d’ignorer. Il y a mieux que du goût dans le portrait de M. Duruy... Pour l’attitude donnée au modèle, la coloration des chairs, l’expression du visage, il ne serait pas facile de trouver aussi bien... Avec le sentiment de la vie, la jeune artiste possède un véritable talent d’observation... Ce portrait de M. Duruy la place au premier rang... Nous saluons sa venue avec d’autant plus de plaisir que le groupe de nos portraitistes tend à s’éclaircir et que, parmi les plus illustres, plus d’un commence à s’égarer. » En 1878, le portrait du Maréchal Canrobert, si franc et si viril, ne fut pas moins chaleureusement accueilli. Mlle Jacquemart devenait, décidément, la portraitiste des grands personnages officiels. En 1872, au premier Salon rouvert après la guerre, ce fut elle qui offrit à la reconnaissance publique le portrait du « libérateur du territoire, » Adolphe Thiers, président de la République. On la verra ainsi chaque année, jusqu’en 1880, à côté d’excellens portraits mondains, montrer les effigies des hommes en vue, civils ou militaires. A ceux de Dufaure, ministre de la Justice, du marquis de Lareinty, ancien commandant des mobiles de la Loire-Inférieure, succèdent ceux du général de Palikao, du général d’Aurelle de Paladines, du duc Decazes, etc., etc. C’est, de toute évidence, dans l’expression grave et calme, franche et fière des physionomies historiques, mâles et nobles, que se. complaît la croissante virilité de son esprit. L’ensemble de ces ouvrages lui valut une haute récompense à l’Exposition universelle de 1878. En 1879, elle expose encore deux portraits ; en 1880, deux autres avec plusieurs études dessinées sur l’Abbaye''