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probité parfaite ; mais il y a la politique qui, partout où elle pénètre, rencontre des faiblesses, les encourage, les entretient, les aggrave, et où ne pénètre-t-elle pas aujourd’hui ? Si le jet de lumière avait porté sur un autre corps de l’État que la magistrature, y aurions-nous fait une constatation meilleure ? Où est le remède à tant de maux ? Il est dans une séparation plus profonde entre la politique, — nous entendons par là le monde parlementaire, — et les grandes administrations de l’État qui doivent en rester indépendantes, car le Parlement est fait pour légiférer et non pas pour administrer, ni pour gouverner : quand il le fait indirectement, on voit le résultat. Le remède est surtout dans une séparation non moins profonde entre la politique et la finance, qui ne sauraient être tout à fait étrangères l’une à l’autre, mais qui ne peuvent pas sans péril se mêler et se confondre au point où elles le font aujourd’hui. Quand elles agissent l’une sur l’autre, elles ne le font généralement pas par leurs représentans les plus élevés, ni les plus qualifiés, ni les plus scrupuleux. Mais comment obtenir cette réforme nécessaire des mœurs publiques ? Ce n’est pas par des lois nouvelles qu’on la réalisera, car les lois ont peu de prise sur les mœurs. La réforme électorale elle-même, quelque désirable qu’elle soit, ne purifiera pas les mares stagnantes où il y avait déjà de la boue et où il y a maintenant du sang. Une fois de plus, nous répétons ce que nous avons dit si souvent et ce qui est de plus en plus vrai dans un pays où le gouvernement s’avilit toujours davantage : c’est au pays à trouver en lui-même le remède. Il ne saurait être dans les hommes qui le gouvernent aujourd’hui, car ils vivent fort à l’aise dans une décomposition qu’ils ont fomentée et ils n’en sentent pas les miasmes putrides. Des événemens comme ceux qui viennent d’éclater sur nous en tempête sont la préface que la fatalité, engendrée par tant de fautes, devait donner aux élections prochaines. Si le pays n’en comprend pas la leçon, il ne devra s’en prendre qu’à lui-même des conséquences que ne manqueront pas de déchaîner son indifférence et son aveuglement.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.