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nous avait pas révélé quelques-unes des tares et des plaies dont le corps politique est atteint chez nous. Le mal est ancien et les observateurs attentifs ne l’ignoraient pas, mais c’est surtout depuis que le parti radical-socialiste est maître de nos destinées que ses ravages se sont multipliés et étendus partout. A partir de ce moment, la politique a été conçue comme l’exploitation de toutes les forces politiques et administratives du pays au profit d’un personnel nouveau, vulgaire, rapace, insatiable, singulièrement dénué de scrupules et qui a remplacé l’honneur ou la simple honnêteté, qui étaient autrefois la règle, par des habitudes d’accaparement et par des pratiques de camaraderie grâce auxquelles on se croit tout permis pour le bien des uns et des autres. Des principes d’autorité, de hiérarchie, de justice, qui présidaient jadis au fonctionnement de nos institutions, il ne reste plus rien et il faudrait, pour les restaurer, l’intervention d’une main puissante qu’on n’aperçoit nulle part. C’est ainsi que les intérêts particuliers ont pris la place de l’intérêt général, et que les fondemens mêmes de l’édifice politique ont été dangereusement ébranlés. L’indépendance de la magistrature était un de ces principes, ou plutôt un de ces faits nécessaires que l’on s’était jusqu’ici appliqué à respecter, et nous ne disons pas qu’on y avait toujours réussi, mais enfin on s’était efforcé de le faire, et l’institution judiciaire, en particulier, a présenté longtemps une force et une solidité apparentes, qui étaient pour tous une garantie. Qui oserait dire qu’il en soit de même aujourd’hui ? La crise actuelle, et c’est en cela qu’elle est grave, a montré que l’indépendance de la magistrature faiblissait, mollissait, cédait enfin sous la pression d’influences extérieures, et quand bien même ces influences se seraient exercées au profit d’une cause avouable, leur intrusion dans un domaine qui n’est pas le leur devait être condamnée ; mais que dire lorsqu’elle s’exerce au profit d’un financier véreux qui devait être condamné comme escroc ? Alors, la mesure est à ce point dépassée, qu’on chercherait vainement, croyons-nous, un précédent analogue dans notre histoire. Puisque le mal avait pris de pareilles proportions, il était bon qu’il apparût aux yeux de tous. Le scandale est grand sans doute, mais n’a-t-il pas été dit qu’il fallait qu’il y eût du scandale ? L’Écriture ajoute, il est vrai : Malheur à celui par qui il sera fait ! et nous voudrions qu’il en fût ainsi, non pas par esprit de vengeance, mais par esprit de justice, et pour empêcher le retour du scandale lui-même, qui serait le plus grand des maux, s’il n’avait pas son remède dans la réaction salutaire de la conscience publique. C’est là pour nous qu’est l’intérêt de la crise que nous traversons : le reste