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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Les événemens les plus pénibles, humilians et tragiques, se sont succédé depuis quelques jours avec une si grande rapidité, que ceux d’hier nous font paraître ceux d’avant-hier déjà vieux, malgré la profonde émotion que nous en avons éprouvée et que nous en éprouvons encore. Que dire que tout le monde ne sache déjà du meurtre de M. Gaston Calmette par Mme Caillaux ? Les détails en sont bien connus et la meurtrière est entre les mains de la justice : c’est à celle-ci à faire son œuvre, en dehors de toutes les influences qui pourraient s’exercer sur elle. Contentons-nous de saluer la tombe de la victime. M. Gaston Calmette a été assassiné au cours d’une campagne qu’il avait courageusement entreprise pour le triomphe de la vérité. Il estimait rendre un service à son pays, et sa conviction était à cet égard si forte que cet homme aimable, courtois, bienveillant, que tout le monde connaissait tel, était apparu sous un jour nouveau, énergique, ardent, vigoureux dans les coups qu’il portait, sans qu’il soit sorti toutefois des limites qu’un écrivain, soucieux de son honneur professionnel, doit toujours s’imposer à lui-même. Sa polémique était cruelle, mais elle était légitime, et si elle était dangereuse pour d’autres, on a pu voir qu’elle l’était aussi pour lui. Sa mort a provoqué autour de sa mémoire une explosion de sympathies, et ses funérailles, qui ont eu lieu dans un profond recueillement, ont été une de ces manifestations que Paris sait faire pour honorer un bon citoyen. La mort de M. Calmette, loin de compromettre la cause qu’il défendait, en a d’ailleurs assuré la victoire. Il voulait faire la lumière sur certaines choses : elle s’est faite, grâce à lui, le lendemain même du jour où il a été frappé

Quelque douloureux que soit cet épisode, il n’aurait d’autre importance que celle qui s’attache à ces mouvemens impétueux de passion et de colère dont le spectacle n’est que trop fréquent, s’il ne