Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/711

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus modestes parmi les savans de la France actuelle, M. Laveran, a annexé à l’empire pastorien. On croyait avant lui que toutes les maladies infectieuses sont causées par des bactéries, qui sont, comme on sait, des plantes microscopiques. M. Laveran a découvert, alors qu’il était médecin militaire en Algérie, que la fièvre intermittente ou malaria, ce fléau de tant de colonies et de pays charmans, est due à un petit animal unicellulaire, à un protozoaire qu’il découvrit dans le sang des paludiques, où il parasite les globules. C’est donc, — tous les hellénistes, et même les simples bacheliers ès-lettres me comprendront, — un hématozoaire. M. Laveran avait émis l’idée que les moustiques qui ont sucé le sang d’un paludique véhiculent le virus paludique et l’inoculent par leurs piqûres. Vérifiée et démontrée dans des recherches remarquables faites par M. Ronald Ross aux Indes, cette idée a conduit à une prophylaxie raisonnée du paludisme, qui a déjà- rendu la Aie à des régions entières qu’anémiait ce fléau. Notre Corse elle-même lui devra bientôt un renouveau de prospérité.

La découverte de M. Laveran, si inattendue lorsqu’il la fit que beaucoup ne voulurent pas d’abord y croire, a ouvert en médecine un chapitre nouveau et qui se développe chaque jour. Un grand nombre d’épizooties, surtout dans les pays chauds, ont pour agens des protozoaires. Parmi ceux-ci les trypanosomes ont une importance toute particulière, car l’un d’eux cause en Afrique les ravages de cette terrible maladie du sommeil qui change en déserts les régions les plus prospères. On sait que ces trypanosomes sont véhiculés par les mouches tsé-tsé, et c’est dans la destruction de ces mouches que réside jusqu’ici la meilleure chance de restreindre ce fléau.

Pour ne rien oublier d’essentiel, il nous faudrait parler aussi des belles recherches poursuivies à l’Institut Pasteur sur la méningite tuberculeuse, la paralysie infantile, la scarlatine et la coqueluche, sur les fermentations et sur la bière, sur la chimio-thérapie, sur le traitement des maladies exotiques par les dérivés de l’arsenic et les couleurs d’aniline, sur tant d’autres questions qu’illumine le patient labeur des pastoriens. Mais on peut dire des résultats déjà obtenus dans toutes les directions : ils sont trop. Il nous faudrait aussi étudier l’organisation de l’Institut Pasteur, si merveilleusement adaptée à la souple administration, à la libre discipline, que réclame, pour être féconde, la recherche désintéressée. Sur tout cela plane l’intelligente fermeté, l’énergique modestie du docteur Roux, dont la figure ascétique laisse à tous ceux qui l’approchent une impression intense de spiritualité agissante. Que d’exemples il y aurait là à citer aux administrations