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qu’une immunité fugace, durant à peine quelques jours. Parmi les nombreux vaccins antipesteux, le premier et le plus employé a été préparé par Haffkine, ancien élève de Pasteur, qui a eu l’idée d’injecter sous la peau des bacilles pesteux tués par la chaleur, donnant ainsi un des premiers exemples de vaccination par virus tués, tandis que la vaccination antirabique par exemple se fait par virus seulement atténués. La méthode des injections haffkiniennes, essayée sur des centaines de milliers d’individus, a donné des résultats probans. Pour donner une garantie plus certaine, elle doit être répétée annuellement. Elle constitue une armure défensive qui permettra sans doute à l’Europe d’éviter dans l’avenir les désastreuses épidémies de peste bubonique qui l’ont ravagée au moyen âge. Il y a malheureusement là une grande difficulté : les sujet vaccinés en temps d’épidémie présentent, pendant une période d’incubation d’une dizaine de jours, un état d’hypersensibilité, d’anaphylaxie (j’ai naguère expliqué ce phénomène) pour le virus pesteux. Il ne faut donc pas vacciner contre la peste en temps d’épidémie. Pour avoir ignoré ce phénomène, que les travaux de M. Charles Richet permettent de comprendre, presque tous les médecins et infirmiers traités préventivement, lors de la récente et désastreuse peste de Mandchourie, ont succombé. Le sérum antipesteux n’a d’ailleurs donné que des résultats médiocres dans cette épidémie, et cela n’est point étonnant, car il s’agissait non de la peste bubonique, mais de la peste pulmonaire (ou peste noire, ainsi nommée sans doute à cause de la couleur des crachats sanglans qu’expectorent sans cesse les malades). Celle-ci est une modalité très particulière de la peste, et son traitement efficace est encore à trouver.

Il nous faut signaler enfin sur la peste un travail tout récent et fort curieux fait à l’Institut Pasteur par MM. Dujardin-Beaumetz et Mosny. Ils ont constaté que, tandis qu’une marmotte inoculée pendant l’état de veille meurt en deux jours et demi, cette marmotte inoculée pendant son sommeil hivernal survit quatre mois et ne meurt qu’à son réveil printanier. Voilà un fait qui ouvre bien des aperçus physiologiques curieux. Il permet en outre d’expliquer la conservation de la peste dans les foyers endémiques où vivent des rongeurs hibernans, comme en Sibérie.

La dysenterie bacillaire (qu’il ne faut pas confondre avec la dysenterie amibienne qui produit l’abcès du foie et est spéciale aux pays chauds) est une maladie très répandue à la fois dans les pays tropicaux et dans la zone tempérée. Elle s’y manifeste surtout en été, dans les agglomérations et les casernes, par de véritables épidémies qui