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C’est là, sans nul doute, un groupe professionnel très nombreux qui devrait assurer très aisément le recrutement des écoles élémentaires. Mais combien de métayers ou de petits propriétaires voient clairement les avantages d’un enseignement dont ils n’ont pas été eux-mêmes appelés à recueillir les fruits ? Tout enseignement se résume pour eux dans des « théories » dont ils ont peur ! On ne triomphera de ces préjugés qu’après un fort long temps. Et puis, n’oublions pas qu’il s’agit d’une dépense à faire, et que cette dépense est double. Un père de famille ne doit pas seulement payer le prix de la pension dans une école pratique ; il faut encore qu’il se prive des services que peut rendre un jeune homme de quatorze à seize ans. Dans les familles nombreuses, ces sacrifices deviendraient considérables. Faudrait-il, cependant, traiter de façon différente l’aîné et les cadets ?

Les sacrifices dont nous parlons sont, en outre, immédiats, prolongés, réguliers, revenant à échéances fixes. C’est pour cela qu’ils ont été difficilement supportés.

Quels sont, en revanche, les avantages correspondans ? Le père de famille ne les voit pas nettement. En revenant de l’école, son fils sera-t-il un « praticien » plus habile, un travailleur plus vigoureux, un collaborateur plus soumis et plus respectueux ? Le père de famille ne redoute-t-il pas précisément que son « écolier » ne veuille lui donner des leçons ou discuter ses ordres ?

Combien de fermiers, de métayers, ou de petits propriétaires auront l’ambition ou l’illusion de viser plus haut, et voudront placer leur fils dans un collège pour lui permettre de devenir surnuméraire de « l’administration, » ou aspirant surnuméraire !

L’école d’agriculture est concurrencée par tous les établissemens qui donnent une instruction générale et font briller aux yeux des parens les perspectives d’une situation fixe et officielle.

En résumé, plusieurs raisons expliquent la faiblesse numérique de la population scolaire dans les écoles agricoles élémentaires, sans que l’on soit en droit de critiquer la nature de l’enseignement ou la valeur des maîtres.

Nous avons voulu aller vite et faire grand.

Instruire la démocratie rurale, répandre largement les notions scientifiques d’une application immédiate et d’une grande portée