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je n’ai pas pensé une fois à lui que par rapport à vous. Je ne saurois vous peindre ma joie de ce qu’enfin vous estes content de moi. Je vous donnerai toute ma vie sujet de l’estre, et plus vous me connoîtrez, et plus vous verrez le sincère attachement que j’ai pour vous ; il durera jusqu’à ma mort, et toutes les puissances du monde ne m’empescheront jamais de vous aimer à la folie et de vous le témoigner tant que je le pourrai. Je me mocque de toute la terre, pourveu que nous nous aimions tous deux. Voilà mon sentiment, mais aimez-moi toujours comme vous avez fait et que l’absence ne diminue point vostre tendresse. J’en mourrois et je ne pourrois soutenir le moindre relâchement. Si vous saviez tout ce qui se passe dans mon cœur présentement, et le désordre que vous y faites, vous en seriez content. Jamais passion n’a égalé la mienne, aussi personne l’a si bien mérité que vous : vous estes charmant, tendre et fidèle, que peut-on souhaiter de plus ? Rien n’est égal à mon bonheur, el je n’ai plus rien à désirer que la continuation de ma félicité et que je puisse vous revoir bientôt ; ce ne sera pas aussi vite que je le souhaite. Je voudrois que ce fût en ce moment ; mais aussi, quand je vous tiendrai une fois, io vo darvi tanti bacci, tanti bacci, si te stringo un dia nel sen, que je crois que je ne finirai jamais.

« Plust à Dieu y estre déjà ! Je jugerai de vostre tendresse par l’empressement que vous aurez de revenir...

« Adieu, je ne peux finir ; je prends tant de plaisir à vous entretenir que j’y passerois la nuit. La Confidente s’endort, il faut l’envoyer coucher. Aimez-moi comme je vous aime, et je suis trop heureuse. »


Le 5/15 aoust.

« Le Pédagogue qui vient de me quitter m’a dit qu’il estoit certain que l’on alloit donner une grande bataille. Si je n’avois esté au lit, il luy auroit esté aisé de s’apercevoir de l’émotion que cette nouvelle me donnoit. Je n’en suis pas encore remise et me voilà tout de nouveau dans des inquiétudes à en mourir. Je ne saurois vous parler d’autre chose aujourd’hui que de mon chagrin, il est bien cruel de vous savoir incessamment exposé à mille dangers. Suis-je destinée à estre toute ma vie dans les afflictions, et ne pourroi-je jamais gouster tranquillement le plaisir d’aimer et d’estre aimée ? Je serois trop heureuse si cela