Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/654

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entièrement. Cette pensée me tourmente incessamment et je tremble que vous ne soyez infidèle. Sur qui se pourra-t-on fier si vous me trompez ?

« Pour moi, je renonce à toute la terre et je me retirerai dans un lieu où je pourrai pleurer en liberté la perte que j’aurai faite ; si mes soupçons sont mal fondés, je vous en demande pardon. Il est impossible, quand on aime autant que je le fais, que l’on soit sans inquiétude, et vous estes trop aimable pour ne pas craindre incessamment de vous perdre. J’en mourrois, si ce malheur m’arrivoit. J’espère que j’aurai demain de vos lettres, et je les attends avec une impatience qui m’empeschera de dormir. Figurez-vous mon désespoir si je n’en ai point...

« Je suis dans une impatience de vous revoir qui surpasse tout ce que je peux vous en dire, mais si je ne vous trouve plus le mesme, que deviendrai-je ? C’est vous seul qui avez fait tout le bonheur de ma vie, vous savez que j’ai compté tout le reste pour rien et que tous mes désirs et tous mes souhaits étoient bornés à vous plaire et à vous conserver tout à moi. Si je n’ai peu y réussir, la vie me sera désagréable ; vous seul me l’avez fait aimer et vous me la ferez haïr.

« Adieu, quoi que vous fassiez, vous serez toujours tendrement aimé, car il ne dépend plus de moi de changer pour vous. »


A. C. (elle), le 18/28 juillet.

«... Je crains tout, et vous estes trop aimable pour que l’on ne travaille de tous costés à vous détacher de moi. Résistez, je vous en conjure, à tous les efforts que l’on pourra faire, et revenez aussi tendre que vous m’avez paru à vostre départ. Le souvenir de tout ce qui s’est passé entre nous fait mon unique joie, je n’en veux point avoir d’autres, tant que vous serez absent.

« Ne me quittez plus, je vous en conjure, ou j’en mourrai. »


La guerre continuant en Flandre, les Français se préparent à soutenir, à Steinkerque, le choc des alliés. Sophie-Dorothée vit dans l’angoisse du sort de Konigsmarck et, à cette heure, son cantique d’amour devient une prière.