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« Le comte piémontois qui vous tient si fort au cœur me désole, je ne saurois m’empescher de vous parler encore de lui, quoiqu’il n’en vaille pas la peine, et je vous jure encore que je n’ai pas eu la moindre conversation avec lui, ni même la moindre envie d’en avoir. Vous devriez estre honteux de vous inquiéter pour des gens qui ne méritent pas d’estre regardés ; vous devriez vous mieux connoistre, et vous estes si fort au-dessus de tous les hommes, que vous ne devez en redouter aucun.

« Je vous rends de toutes manières la justice qui vous est deue, et quand je ne serois pas prévenue d’une violente passion pour vous, il me seroit aisé de voir que rien ne vous approche.

« Conservez-moi vostre cœur entier, je ne veux point de partage, je vous ai donné tout le mien et vous en estes le maistre absolu. Soyez aussi constant que je vous suis fidèle et aimons-nous toujours, quoi qu’il puisse arriver. »


A. C. (elle), le 16/26 juillet.

«... Vous me mandez que vous avez pris une résolution que l’on n’a peut-être jamais prise avant vous. Je meurs d’envie de savoir ce que c’est, mais je suis seure, quoi que ce puisse estre, qu’elle n’approche pas de la mienne : c’est d’éviter tous les hommes et ne rien ménager pour vous plaire, de n’avoir qu’une civilité froide pour tout le monde généralement et de mépriser tous les malheurs qui me peuvent arriver pour m’attacher uniquement à vous. Ce sont mes sentimens, faites-moi savoir si vous estes content.

« Je me suis mise au lit après avoir fini ma lettre. Je lisois toutes les vostres et je me croyois fort en sûreté, parce que j’avois fait dire que je dormois. Le Pédagogue est venu me surprendre pour la seconde fois. Tout ce que la Confidente a peu faire, c’est de les cacher sous ma couverture. Je n’ai osé remuer, de peur que le papier ne fit du bruit. Enfin le Pédagogue s’en est allé et m’a fait grand plaisir, car je mourois de peur. Je n’aime point toutes ces surprises, mais il m’est impossible de les éviter. »


C. (elle), le 22 juillet/12 août.

... Si vous saviez toutes mes inquiétudes, je vous ferois pitié : je crains mille choses, mais, plus que tout, que vous ne m’oubliiez et que quelque nouvelle passion ne vous occupe