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dans l’ombre. La Platen donne l’alarme à Georges-Louis, il accourt, et le chassé-croisé recommence. Le prince, qui ne croit qu’à de simples étourderies, ne veut pas écarter tout à fait Konigsmarck, et le charge, par son père, d’une mission diplomatique à Hambourg. C’est alors que s’ouvre la correspondance qui fera son œuvre accoutumée ; respectueuse d’abord, elle attendrit, élève insensiblement le diapason jusqu’à l’exaltation totale, et prépare la chute.

La justice veut qu’à travers les premières ruses amoureuses employées par Konigsmarck pour aveugler Sophie-Dorothée sur le danger, un fait soit ici mis en évidence qui démontre, à ce moment, le désintéressement de sa passion.

Il résista aux sollicitations et aux promesses magnifiques du roi de Suède qui, profitant de l’occasion présente, essayait de le faire rentrer dans sa patrie. Là, cependant, étaient tous les intérêts de Konigsmarck, ses domaines, son avenir.

Il n’est pas possible de douter de la sincérité des premières lettres que d’Ath, en Hainaut, il écrit à la princesse :


Ath, le 1er de juillet 1691.

« Je suis à présent à l’extrémité et je n’ai pas d’autre moyen de me sauver qu’un mot de lettre de votre incomparable main. Si j’étois assez heureux d’en recevoir, je serois, du moins, un peu consolé. J’espère que vous serez assez charitable de ne point refuser cette grâce, et puisque vous me causez mon affliction, il est juste que vous me consolez aussi. Il ne tient donc qu’à vous de me consoler du chagrin que la funeste absence me cause, et je verrai aussi par là si je peux faire fond sur ce que vous avez eu la bonté de me dire quelquefois. Si je n’écrivois à une personne pour laquelle j’ai autant de respect que d’amour, je trouverois des termes qui exprimeroient mieux ma passion ; mais craignant de vous offenser, il faut m’en tenir là, en vous priant seulement de me conserver un peu dans votre souvenir et de me croire votre esclave. »


Les deux premières lettres que nous citons ici, pour marquer quel était le ton de Konigsmarck au début de ses relations avec la princesse, diffèrent beaucoup, pour l’orthographe, de celles qui suivirent. Le respectueux soupirant qu’il était encore ne