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Ses parens la fiancèrent à son cousin germain, Auguste de Wolfenbuttel.

Eléonore restait reconnaissante à Ulrich-Antoine, père du jeune prince, de ses égards affectueux qui contrastaient avec l’animosité générale de sa famille.

Mais le fiancé, agréable à Sophie-Dorothée, mourut d’une blessure, au cours d’une campagne.

De nouveau, surgirent les compétiteurs et parmi eux, très inattendu, son cousin Georges-Louis, fils de l’évêque d’Osnabruck. Ce fut lui qui l’emporta et décida du sort de Sophie-Dorothée.

C’est à Osnabruck que ce coup de théâtre avait été préparé de main de maître.

Déjà, en 1679, Ernest-Auguste, par la mort de son frère Jean-Frédéric, avait joint le Hanovre à son évêché ; l’occasion se présentait de préparer la réunion éventuelle du duché de Zell : elle était trop belle pour ne pas triompher des anciennes répugnances à l’égard de la fille d’Éléonore.

Le plan conçu par la maîtresse de l’évêque, la fameuse comtesse Platen, fut, en diligence et avec habileté, exécuté par la duchesse Sophie. Elle circonvint son beau-frère de telle sorte que, pour la première fois, il résista aux supplications de sa femme et aux larmes de sa fille, qui fut sacrifiée.

Et ce n’était pas un mince sacrifice pour Sophie-Dorothée d’épouser un homme qui ne pouvait lui inspirer que de l’aversion. Un physique désagréable, une intelligence médiocre, un naturel grossier et brutal, voilà ce qu’apportait Georges-Louis, déjà repoussé dans deux tentatives matrimoniales, à celle que Rébenac dépeignait à Pomponne comme « une des princesses les plus accomplies qui soient en Europe. »

Eléonore eut la douleur de voir sa fille aller vivre dans cette même famille qui l’avait accablée d’humiliations et d’outrages.

La cour de Hanovre était un séjour dangereux pour une jeune femme coquette, que ne défendait pas l’amour d’un mari. Elle présentait le tableau complet de ce qu’étaient, à cette époque, les petites cours allemandes. Plus qu’en aucune autre, y sévissait cette fièvre d’imitation qui faisait surgir partout des Versailles en miniature. Divisées par des haines d’intérêt, d’ambition, ne s’unissant que pour repousser les armes victorieuses de la France, ces cours s’offraient cependant avec une singulière facilité à la conquête de ses mœurs. Conquête tout