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ne pas convoquer les assesseurs les plus compromis ; mais il y en avait un, qu’on ne pouvait se dispenser d’appeler, puisque avec Manchon il avait rédigé le procès-verbal. Ce personnage était Thomas de Courcelles ; et de même que l’Université de Paris était appelée la lumière du monde, Thomas de Courcelles était considéré comme la lumière de cette Université.

Si la Haute-Cour entrait dans le détail des faits, si elle précisait quels faux avaient été commis, la substitution de pièces, etc., etc., il fallait indiquer par qui avaient été commis ces crimes. Courcelles en était presque l’auteur, il y avait directement participé, mais il venait devant la Haute-Cour comme témoin et non comme accusé. Il ne fallait pas que le procès de réhabilitation vint réveiller des haines mal éteintes ; aussi, les plus grands ménagemens s’imposaient-ils au Roi vis-à-vis de ce corps si important et si puissant qu’était l’Université. Les étudians et les savans de toute nation accouraient à Paris pour y suivre ses enseignemens, comme à la source de toute science. Bourguignonne et anglaise, l’Université avait, contre son Roi, usurpé un rôle politique, et au Concile de Bâle, ses docteurs s’étaient érigés en juges contre la Papauté. La réforme de 1452 venait de restreindre ses privilèges.

Le Roi, ni le légat qui venait d’accomplir heureusement cette réforme, ne voulaient pas que, pour la défense d’un de ses membres, cette maîtresse de toute science pût chercher à reprendre un rôle politique.

Le texte du jugement, où la phraséologie judiciaire ménage tous les intérêts, nous montre le reflet de cette situation si compliquée. La condamnation des pratiques criminelles y est mise en évidence, tout en épargnant les personnalités qui les ont employées, et, sous la tutelle d’une prudence qu’imposaient les circonstances, la vérité apparaît avec clarté et précision.

Si l’on rend à chacun le mérite qui lui revient, tout indique que le procès en révision fut l’œuvre personnelle du roi Charles VII. L’initiative vint de lui, et, pendant six ans, il apporte à sa réalisation une volonté persévérante qui ne se laisse arrêter ni par les obstacles que lui créait la politique intérieure, ni par les difficultés qu’il rencontrait à Rome. Pour arriver à l’accomplissement de cet acte de justice, le Roi trouva deux hommes, le cardinal d’Estouteville et le grand inquisiteur