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En novembre 1449, Charles VII n’en avait pas moins ordonné, aussitôt après la prise de Rouen, qu’une enquête fût faite sur le Procès de la Pucelle. Il en chargeait Guillaume Bouillé, doyen de la cathédrale de Noyon et ancien recteur de l’Université de Paris. Le rapport de Bouillé (1450) nous montre bien le but poursuivi : « A l’honneur et gloire du Roi des Rois qui protège l’innocent et surtout à l’exaltation du Roi de France, qui jamais, comme en témoigne l’histoire, n’a favorisé les hérétiques et ne leur a prêté une adhésion quelconque, et pour la glorification du dit Roi, j’ai rédigé ce protocole. » On voit donc que c’est le roi de France qui est en cause, et c’est sa glorification que l’on poursuit.

L’enquête se trouvait ouverte à Rouen, mais, en même temps, l’ambassadeur du Roi ne restait pas inactif à Rome, et, en 1451, le pape Nicolas l’envoyait en France, comme légat, le cardinal d’Estouteville.

Pour arriver à la révision, il fallait écarter la politique ; aussi l’homme expérimenté qu’était Bouillé proposa-t-il de faire ouvrir la procédure par une instance venant de la famille de Jeanne d’Arc. L’affaire perdait ainsi son caractère politique pour devenir une affaire privée, avec une apparence purement juridique ; et afin que le Pape pût évoquer la cause, il fallait, de plus, écarter toute poursuite contre les juges.

Toutes les complications ne se trouvaient pas, cependant, être aplanies, car les difficultés politiques que, dans ce procès, Rome rencontrait entre la France et l’Angleterre, Charles VII les retrouvait pour sa politique intérieure.

Après la prise de Rouen, le Roi avait accordé une amnistie générale. Tous ceux qui avaient pris part au Procès de Jeanne d’Arc se trouvaient donc protégés par l’Angleterre et couverts par la parole du roi de France. S’il était impossible d’exercer aucune poursuite contre les juges, il y avait aussi, à côté d’eux, l’Université de Paris, qui avait pris une part active à la condamnation de la Pucelle.

Au moment où la politique de Charles VII tendait au rapprochement de tous les Français, pouvait-il permettre que, à défaut de sanction pénale, fût infligée à certains personnages une flétrissure morale qui rejaillirait sur tout le corps auquel ils appartenaient ? — Cauchon était mort ; Lemaître, qui vivait perdu dans un monastère, ne fut pas retrouvé. On prit soin de