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précèdent immédiatement la phrase incriminée et que M. Valin n’a pas reproduits : la Haute-Cour ecclésiastique qualifie l’abjuration de falsa (fausse), prætensa (prétendue, inventée). Une chose fausse, une chose inventée n’existe pas en elle-même. On ne pouvait donc l’annuler, mais la Haute-Cour annulait la sentence qui donnait un corps à cette abjuration fausse et inventée. — Il y avait donc obligation de préciser sur quels élémens était appuyée cette sentence criminelle ; et de cet examen, la Haute-Cour conclut que les faits visés par le procès et la sentence constituent des bases frauduleuses et que si l’abjuration fausse et inventée eût existé, elle se présenterait comme extorquée par la force et la crainte, etc.

C’est tout le Procès, fond et forme, qui est examiné dans ce premier paragraphe du jugement. « Abjuratio extorta » s’applique donc, non à l’acte de Jeanne qui n’a pas existé, mais à ce qui constitue l’acte inventé, tel que le présente le Procès. Dans cet exposé, comme dans tout le jugement, on reconnaît quelle réserve et quelle prudence imposaient les circonstances politiques si difficiles, dont la Haute-Cour avait à tenir compte, chaque mot porte en lui-même une sentence et donne le résumé énergique et précis des enseignemens qu’ont apportés les témoignages ;

« Attendu relativement au fond du dit procès, une abjuration prétendue, fausse, frauduleuse, extorquée par la force et par la crainte, par la présence du bourreau, par la menace, du bûcher. »

Prætensa pose un principe absolu. L’abjuration est prétendue, elle n’existe pas.

Falsa, abjuration fausse, puisque la pièce qui la constitue est la cédule de 500 mots substituée à la cédule de 6 lignes. Les juges de la Haute-Cour ont donc bien vu le faux commis par Cauchon et le mot falsa leur a suffi pour l’indiquer.

Subdola, frauduleuse, cette qualification s’applique à l’interrogatoire du 28 mai, à la déclaration mensongère que Jeanne aurait signé et qu’elle aurait lu la formule. Frauduleuse encore la suppression de la cédule de six lignes et l’omission de la sentence « Tu Johanna, » qui n’a pas été lue à Jeanne.

Extorta (extorquée) caractérise tous les artifices inventés par Cauchon pour créer une apparence d’abjuration.

La confirmation de tout cet exposé va se trouver dans le second paragraphe du jugement qui donne les sanctions édictées