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Du côté des juges, nous voyons le mépris et la violation de toute formalité.

La formule Tu Johanna, sentence de condamnation, n’a pas été lue à Jeanne, et elle a été donnée comme prononcée, premier faux.

Le procès-verbal de l’interrogatoire du 28 mai est une série de mensonges et de faux, comme Manchon en a témoigné.

L’acte d’abjuration, inséré au Procès, est, de l’aveu universel, une pièce substituée, — troisième faux ; — et la signature qui s’y trouve est encore un quatrième faux.

L’esprit reste confondu de tant d’audace dans le crime. Si l’évêque de Beauvais et le vice-inquisiteur furent des juges prévaricateurs, le cardinal d’Angleterre n’est pas moins coupable car il fut le véritable instigateur.

Tous ces témoignages étaient des étincelles de vérité éparses de tous côtés. Il a suffi de les réunir en un faisceau pour en faire jaillir une gerbe éclatante de lumière.

Un dernier argument que l’on cherche à déduire du jugement de réhabilitation ne repose que sur un sophisme. Sophisme, il est vrai, très spécieux, puisque M. Valin l’abrite sous les apparences du simple bon sens, en nous disant : « On ne peut annuler ce qui n’a pas été. Lorsqu’on met un acte au néant, il faut de toute évidence que cet acte ait commencé par exister. » En s’appuyant sur cette proposition, c’est vouloir créer une confusion entre deux faits bien distincts : la prétendue abjuration et la sentence rendue par Cauchon. M. Valin fait cette confusion lorsqu’il donne le texte du jugement de réhabilitation pour y prendre uniquement la phrase suivante : « Abjuration arrachée [1] (extorta, extorquée) par la force et la crainte... par la présence du bourreau, par la menace du bûcher... » et il y voit la matérialité de l’abjuration reconnue par la Haute-Cour elle-même : — mais, une phrase isolée, que vaut-elle, lorsqu’on la présente détachée de ce qui la précède et de ce qui la suit ? Il faut la remettre dans son cadre et recourir à son contexte pour connaître sa véritable valeur. Or, il y a deux qualificatifs qui

  1. Traduire « extorta » par « arrachée » est un contresens de mot.