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avec elle, on ne poursuit la vérité que pour la vérité elle-même, on la cherche par tous les moyens que l’histoire met à notre disposition et qui sont surtout l’analyse des faits et la vérification des documens ; l’examen psychologique des personnages amènera la philosophie à lui venir en aide, et la critique juridique sera un complément nécessaire.

S’il arrive que ce complément prenne un rôle prépondérant et si la critique juridique rejette tout autre concours, on est à la merci des distinctions d’école et de l’habileté des artifices de procédure. Alors l’étude de la forme fait oublier la recherche du vrai. N’est-ce pas le cas dans le rapport que nous étudions ? M. Valin a vu la vérité, il l’a proclamée en dénonçant les faux, mais le culte des formalités judiciaires l’a empêché d’en accepter les conséquences.

Au milieu de ses erreurs, ce rapport, qui est présenté avec beaucoup de talent et une très grande habileté aura, cependant, rendu à la cause de Jeanne d’Arc le grand service de donner un corps à certaines objections, d’où possibilité de les saisir et de montrer combien elles sont peu fondées.

En terminant, M. Valin revient sur toute la procédure canonique ; il cherche de nouveau à diminuer l’importance de ce que Jeanne n’a pas signé, pour y opposer que : « ce qui est substantiel c’est le fait de la lecture, c’est la déclaration publique que l’abjurant doit faire lui-même, etc. »

A chacune des hypothèses, nous avons opposé une réponse qui ne laisse rien subsister de l’objection. Quant au fait de la lecture, pour tout esprit affranchi des subtilités de la procédure, il devient insignifiant, du moment qu’il s’agit d’une cédule qui n’est en rien une abjuration.

M. Valin n’en conclut pas moins « qu’on ne peut pas dire que Jeanne n’a pas réalisé l’acte d’abjuration. » Toute sa thèse repose sur le fait que Jeanne aurait fait cette lecture. Quelle que puisse être la valeur plus ou moins discutable de la théorie, que devient-elle, puisque le fait n’existe pas. Les témoignages que nous avons cités intégralement établissent que la cédule a été lue devant Jeanne (ce qu’elle ne pouvait empêcher), mais qu’elle n’y a en rien participé.

Ce long examen à la poursuite du vrai nous amène à rappeler qu’un fait se décompose en trois élémens : Sa substance, c’est-à-dire le fait pris en lui-même et d’une manière intrinsèque.