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cédule d’abjuration qu’il prétend avoir été signée, par Jeanne, à Saint-Ouen. Or, voici les propres paroles que le procès-verbal met dans la bouche de Cauchon : Atque ipsam schedulam propria manu signavit sub forma quis sequitur.

Si Cauchon ne se contente pas de dire qu’elle signa, mais ajoute « de sa propre main, » quoi de plus affirmatif que Jeanne sut signer et qu’elle en eut l’habitude ?...

L’évêque de Beauvais lut ensuite, en français, la formule de la prétendue abjuration qui se termine par ces mots : « Et en signe de ce, j’ay signé ceste cédule de mon signe » ainsi signé : Jehanne †.

Cette cédule de 500 mots, en menus caractères, substituée à la feuille de 6 lignes de grosse écriture est la preuve du faux commis par Cauchon, puisque Jeanne n’a jamais signé cette cédule ni même celle de six lignes ; mais cette séance nous apporte aussi le témoignage deux fois répété que Jeanne savait écrire.

L’argument que M. Valin croyait irréfutable n’existe donc pas, et c’est, au contraire, dans les actes du Procès que nous trouvons confirmée la majeure du syllogisme de M. Hanotaux : Elle sait signer, elle ne signe pas, donc elle n’a pas abjuré.

Passons à la mineure. (Elle ne signe pas.)

D’après le rapport, la signature ne serait pas ce qu’on appelle, en droit, une formalité substantielle, et cette argutie de procédure fait dire à M. Valin : « Tant qu’on n’aura pas établi ce point, Jeanne n’aura pas signé et voilà tout ! »

Réponse inouïe ! Eriger le principe qu’une signature n’est pas un acte substantiel n’empêchera pas que, dans tous les temps et dans tous les pays, l’absence de signature enlève toute valeur à un acte quelconque ; ne pas signer sera toujours un refus. Quant à être une formalité plus ou moins substantielle, une réponse péremptoire est apportée par le récit de la séance du 29 mai, où nous voyons combien, aux yeux de l’évêque de Beauvais, la signature de Jeanne était indispensable et l’importance que les juges y attachaient.


C’est d’après les méthodes du positivisme que nous sommes allés à la recherche de la réalité dans le procès de Jeanne d’Arc. — En pareille matière, cette méthode s’appelle la critique historique ;