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part du Roi des deux, etc. » Dans son humilité, elle savait que sa science était moins que rien, et comme me l’écrivait avec tant de vérité M. René Bazin : « Oui ! Jeanne avait du génie, et comme elle était très supérieure en tout, elle comprenait que ce qu’elle savait humainement était peu de chose. « Je ne sais ni A ni B. » Sa conversation avec l’infini lui donnait la mesure des pauvres amours-propres. »

Nous voyons donc au sujet de la signature que « l’objection capitale, » tirée du Procès et de l’enquête de réhabilitation, n’a réellement rien de sérieux. Avec des bases aussi peu fondées, comment M. Valin peut-il dire : « Nous avons donc le droit de repousser les conclusions que M. le comte de Maleissye prétend tirer des Lettres de Jeanne d’Arc. La majeure du syllogisme qui nous est présentée par MM. G. Hanotaux et de Maleissye est démontrée fausse. Voyons si la mineure est susceptible de mieux prospérer. » De cette mineure, nous nous occuperons tout à l’heure ; quant à la majeure, peut-on prétendre qu’elle est démontrée fausse, lorsque tout prouve au contraire combien elle est fondée ? Deux autres faits vont encore l’établir d’une manière plus absolue, et l’argument invoqué par M. Valin va se tourner contre lui.

La substitution de cédule est aujourd’hui une fraude universellement reconnue ; mais comme, à l’époque de la révision, les circonstances ne permettaient pas d’en faire la preuve, il fallait, en présence de cette abominable cédule portant une fausse signature, ou garder le silence, ou prétendre que Jeanne ne savait pas signer. Si, à l’enquête, personne n’a soutenu cette dernière hypothèse, c’est qu’il était impossible de déclarer que Jeanne ne savait pas signer.

Le Directorium de Nicolas Eymeric. auquel a eu recours M. Valin, reconnaît que, lorsque l’accusé ne sait pas écrire, la signature n’est pas indispensable pour une abjuration.

Si l’évêque de Beauvais crut cependant ne pouvoir s’en passer, à tel point qu’il est allé jusqu’à présenter une fausse signature, n’est-ce pas la preuve certaine que cette formalité se trouvait être indispensable, tant le fait, que Jeanne savait signer, était universellement reconnu ?

Que dit, en effet, le procès-verbal de la séance du 29 mai ?... Cauchon demande la condamnation de Jeanne comme relapse, il rend compte de l’interrogatoire de la veille et présente la