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le rapport de M. Valin sur la plaque à Rouen, à propos de la Bienheureuse Jeanne d’Arc.

« C’est une réparation bien due à Jeanne que d’avoir inscrit : « odieuse épreuve dite de l’abjuration. »

« A propos de ce rapport, il y a cependant des réflexions que je me permets de vous exposer,

« Les motifs portés par M. Valin me semblent se réduire à ce syllogisme :

« Toute personne accusée d’hérésie devait ou faire abjuration ou être brûlée ;

« Or, Jeanne ne fut pas brûlée (en suite du 24 mai) ;

« Donc, elle a fait abjuration. »

« M. Valin a cité quelques-unes des formalités d’une abjuration, que Nicolas Eymeric signale dans son Directorium Inquisitorum. Mais a-t-il cité toutes les formalités qui étaient nécessaires pour constituer un vrai et un valide acte d’abjuration ?...

« Tel acte ne se faisait pas au hasard. Outre les formalités citées par M. Valin, l’accusé devait faire l’acte comme acte entièrement libre et fait de sa propre volonté. Dans toutes les églises de la ville ou de la localité, les juges devaient annoncer quelques jours auparavant que telle personne ferait acte d’abjuration à tel endroit et à telle heure. — L’accusé devait mettre la main sur les Evangiles et lire la formule d’abjuration d’une voix haute et intelligible, dans la langue vulgaire, afin que tout le peuple puisse en tenir compte ; ou la répéter phrase par phrase, après un notaire ou un clerc.

« Mais les annonces de quelques jours ne furent pas faites, attendu que les juges décidèrent, le 23 mai, que la séance à Saint-Ouen se ferait le lendemain. — Jeanne n’a pas été libre et elle n’a pas pu agir volontairement ; elle n’a pas eu connaissance, ni avant le 24 mai, ni pendant la séance, ni après la séance, de la cédule qui se trouve dans les actes du Procès et que l’on a prétendu qu’elle a lue à Saint-Ouen. Elle n’a pas mis la main sur les Evangiles.

« Il s’ensuit, d’après mon avis, que les juges n’avaient aucune intention de tenir une assemblée, réglée par les règlemens de l’Inquisition, où se ferait un acte d’abjuration valide selon ces règlemens.

« Agréez, Monsieur le Comte, l’expression de ma plus haute considération.

« FRANCIS H. WYNDHAM. »