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dont Cauchon connaît toute la portée. Elle appose simplement une croix ; or, dans le Procès, elle avait déclaré l’employer comme signe de dénégation. La veille, Pierre Maurice dans sa monition l’avait encore rappelé (article VI). La Revue du 1er février 1911 a suffisamment étudié ce point pour que nous n’ayons pas à y revenir.

L’emploi de ce signe, en devenant l’un des douze articles de l’accusation, avait pris une importance qui le rendait en quelque sorte un langage officiel entre la Pucelle et ses juges.

Cauchon le comprend tellement qu’il envoie Calot exiger une signature. Jeanne voit alors qu’on veut se jouer d’elle ; aussi, avec quel sourire de moquerie elle oppose, par un zéro, le plus absolu des « Non ! »

« … Des trêves ainsi faites, je ne suis pas contente et je ne sais si je les tiendrai, » écrivait-elle aux habitans de Reims dans sa lettre du 6 août 1429. Cette trêve qu’aujourd’hui on lui propose, Jeanne n’en veut pas plus pour elle qu’elle n’en avait voulu pour le Roi : « Je ne sais si je la tiendrai. »

La séance est levée sans qu’on ose, comme on l’a déjà vu, lire, dans le jugement, la formule : « Tu Johanna. »

« Or çà, gens d’Église, menez-moi en vos prisons, et que je ne sois plus entre les mains de ces Anglais ! » Cette interpellation, presque hautaine, montre combien Jeanne doute de l’exécution des promesses qu’on venait de lui faire.

Les règlemens canoniques spécifiaient que, le jugement une fois rendu par le tribunal de l’Inquisition, le condamné devait être conduit dans les prisons ecclésiastiques, s’il ne s’agissait pas d’une peine capitale ; mais, au contraire, pour la peine de mort, le coupable devait être remis au bras séculier, et c’était alors le juge civil qui, par un nouveau jugement, en assurait l’exécution. La condamnation de Jeanne à la prison perpétuelle entraînait donc l’obligation de remettre la Pucelle à l’autorité religieuse pour subir sa peine dans les prisons de l’Église.

« Menez-la où vous l’avez prise, » avait été l’ordre de Cauchon ! L’évêque de Beauvais livrait ainsi la Pucelle au bras séculier. Pour quelques auteurs, être livré au bras séculier, signifie être remis au bourreau. Tel doit être, en effet, l’acte final, mais non l’acte immédiat.

On peut affirmer que, le jour de Saint-Ouen, Cauchon n’a jamais pensé à une exécution ; si le bourreau était sur son char,