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Jeanne n’a pas réalisé l’acte, du moment que, par des artifices de procédure, il y aurait eu l’apparence extérieure.

Que de subtilité juridique dans ces mots : acte réalisé !...

Pour qualifier ces apparences d’un acte réalisé et qui n’existe pas, j’ai employé le terme : « escamotage, » mot vulgaire, mais qui peint la chose réelle.

C’était pour rendre possible les apparences d’un acte réalisé, sans qu’il existât comme fond (escamotage) qu’avait eu lieu la séance de Saint-Ouen, en plein air. Le signe visible en était la signature (non indispensable), mais, dans le cas de Jeanne, il a été la base apparente de cet acte que vous appelez réalisé, quoique n’existant pas.

Sur les autres points, bien secondaires d’ailleurs, je ne suis pas sans espérance que vous arriviez à ne pas être éloigné de mon avis.

Votre rapport est pour moi une précieuse occasion d’aborder, à nouveau, certaines questions sur lesquelles on ne saurait faire trop de lumière.

En vous remerciant encore de votre aimable lettre et des deux exemplaires de votre rapport, je vous prie de croire, Monsieur, à l’expression de mes sentimens les plus distingués.

Cte DE MALEISSYE.


Après avoir établi, comme nous venons de le voir, que « la cédule présentée à Saint-Ouen n’avait rien de contraire à ce que Jeanne avait toujours soutenu, affirmé, proclamé et qu’elle n’y reniait ni ses voix, ni sa mission, ni son Roi, » il reste à connaître la valeur de la cédule d’abjuration qui se trouve insérée au procès.

M. Valin nous dit : « La cédule dont Jeanne avait répété les termes ne contenait en tout que sept à huit lignes d’une grosse écriture et sa lecture ne demanda que le temps d’un Pater. Or, la cédule insérée au Procès remplit, dans l’édition Quicherat, quarante lignes de petit texte, équivalentes à soixante lignes de texte ordinaire. En outre, cinq témoins sont venus nous affirmer la fausseté de cette pièce. La substitution de pièce, opérée par Pierre Cauchon, est pour nous un fait historiquement établi. »

La conséquence est donc formelle. Pour tout esprit, qui jugera d’après les propres affirmations de M. Valin et d’après la réalité des faits, Jeanne a refusé toute abjuration.