Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/579

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le péril. Qu’en a-t-il été ? Il n’est pas aisé de le savoir, mais il est à craindre que les sages avertissemens du gouvernement britannique soient restés lettre morte, en général. L’Anglais répugne aux précautions de ce genre, redoutant jusqu’à l’apparence d’une astreinte militaire, d’un embrigadement. Et puis sa belle confiance dans le prestige souverain de la Grande-Bretagne n’est pas encore affaiblie, surtout quand il navigue sur cet Atlantique qu’il a si longtemps et si exclusivement dominé... Mais jusqu’à quand aura-t-il le droit, même sur la mer, de répéter l’orgueilleux : civis Romanus sum ?...


Nous n’avons parlé jusqu’ici, à propos de ces opérations dont les conséquences, — pourvu que la méthode fût appliquée avec discernement, — seraient d’une si capitale importance, que de celles que l’Allemagne pourrait entreprendre pour réduire l’Angleterre à merci ; encore n’avons-nous fait qu’esquisser une étude dont le développement nous entraînerait à des considérations un peu spéciales [1]. Mais la question, prise dans son ensemble, a, pour notre pays, un intérêt plus immédiat que d’aucuns ne l’imaginent. Nous aussi, en effet, dans le cas d’un conflit qui nous laisserait seuls, avec la Russie, en face de la Triple-Alliance, nous aurions à nous préoccuper, soit de préserver nos propres lignes de communications, nos routes maritimes de ravitaillement, soit de couper celles de l’adversaire, nous retrouvant ainsi, bon gré, mal gré, devant le problème de la guerre commerciale.

Or, ici, tous les avantages restent malheureusement à l’Allemagne ; non pas que cette puissance ne soit justiciable des effets de la suppression des arrivages par mer. Elle l’est à un très haut degré, au contraire, et le sera de plus en plus, comme l’est devenue l’Angleterre, en raison de la disproportion de plus en plus marquée entre les besoins de la nation, — denrées alimentaires et matières premières, — et les productions immédiates

  1. Un point très intéressant, en ce qui touche le réapprovisionnement des grands croiseurs, au large, mais qu’il est difficile de traiter ici en détail, c’est la possibilité, au moyen d’appareils plus ou moins dérivés du Temperley, de faire passer, à la mer, du charbon d’un bâtiment à un autre sans que ces bâtimens s’accostent et risquent, par conséquent, de sérieuses avaries. Et cette méthode de ravitaillement est praticable en effet, mais elle est très lente.