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mois de guerre, deviendront indispensables aux deux belligérans.

Malheureusement pour nous, Français, la parfaite validité des raisons qui faisaient désirer, vers 1897-1900, aux marins clairvoyans d’avoir en leur possession des instrumens convenablement adaptés aux exigences des « opérations sur les lignes de communications » de la Grande-Bretagne, fut compromise et infirmée par les exagérations de l’ « Ecole » qui les mettait en œuvre. On voulut supprimer les cuirassés de ligne. On n’y réussit pas, — il y parait assez aujourd’hui ! — on n’aboutit qu’à jeter sur les croiseurs, même cuirassés, une défaveur telle qu’en ce moment nous ne saurions opposer, comme nous le constations tout à l’heure, aux belles unités allemandes de cette catégorie que des types surannés, d’une déconcertante faiblesse.

Beaucoup plus réfléchis et méthodiques, peu soucieux des discussions théoriques et des querelles d’écoles, nos voisins de l’Est, pendant ce temps-là, étudiaient patiemment les faits économiques, acquéraient la conviction que la « guerre commerciale « pouvait donner de grands résultats, à condition que l’on ne prétendit point en faire une panacée stratégique et, tout en construisant des cuirassés d’escadre, lançaient en quelques années, après les tâtonnemens inévitables [1], les 6 magnifiques croiseurs cuirassés « Dreadnought : » Von der Tann, Moltke, Gœben, Seydlitz, Derfflinger et Lützow. On a vu plus haut que les Allemands vont pousser, poussent hardiment déjà dans cette voie, et cela au moment précis où les Anglais, chez qui se manifeste une sorte de lassitude dans la poursuite des gros déplacemens, mettent en chantier une série de « light armoured cruisers, » petits croiseurs cuirassés qui, s’ils peuvent rendre des services comme éclaireurs et flanqueurs d’armée navale, ne sauraient, en tout cas, disputer l’Atlantique aux grands croiseurs allemands.

En fait, quelle serait, à ce dernier point de vue, la position des deux adversaires ?

Nous venons de dire que l’Allemagne avait, d’ores et déjà [2], 6 croiseurs de combat, ou croiseurs « Dreadnought. » Encore

  1. Tâtonnemens marqués par la mise en service, de 1900 à 1909, de 8 croiseurs cuirassés de 9 000 à 13 000 tx : Prinz Heinrich, Prinz Adalbert, Friedrich Karl, Roon, Gneisenau, York, Scharnhorst et Blücher.
    Le Fürst Bismarck avait été, en 1897, un type d’essai, non reproduit.
  2. Le Lützow, très activement poussé, ne sera cependant prêt qu’à la fin de cette année.