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ce qu’il y a de trop chaud, c’est mon caractère ! Le peuple déchirera nos ennemis par morceaux avant trois mois. » Cette explosion d’indignation venait évidemment de ce qu’on coupait sa défense. Le président dut lui promettre qu’il pourrait, après l’interrogatoire des autres, en reprendre la suite. Il accepta, et l’audience fat levée au milieu d’une impression générale de plus en plus favorable à Danton et à ses amis.

Le 15, l’audience parut devoir être tout d’abord consacrée à ces derniers.

Ils répondirent avec moins de vivacité et d’abondance que Danton ; mais, de leurs réponses, il était facile de conclure que rien ne tenait plus debout du procès ; ils repoussaient facilement des allégations tendancieuses. On avait produit notamment contre Hérault des lettres écrites de l’étranger qui, même falsifiées, coupées, maquillées, n’arrivaient à l’impliquer dans aucune affaire grave. Desmoulins n’eut pas de peine, quant à lui, à démontrer que son principal crime était d’avoir dénoncé Hébert, que le Tribunal avait, huit jours avant, envoyé à l’échafaud. Enfin Delacroix, s’il se défendit assez mal des pillages en Belgique, rétorqua pour le reste toutes les accusations. Il demandait à produire des témoins : il en avait donné une liste trois jours avant et on ne les avait pas assignés. Et d’une altercation entre Fouquier-Tinville et lui à ce sujet, l’accusateur se tira assez mal, ce qui amena Herman à affirmer qu’il voyait le prévenu « conspirer en pleine enceinte du Tribunal. » Et comme Delacroix, soutenu par Danton, insistait vigoureusement sur l’évidente iniquité qu’était ce procès sans témoins à décharge, l’accusateur, au comble de l’énervement, s’écria : « Il est temps de faire cesser cette lutte, tout à la fois scandaleuse et pour le Tribunal et pour ceux qui vous entendent : je vais écrire à la Convention, pour connaître son vœu, il sera exactement suivi. »

En fait, la situation du Tribunal devenait scabreuse : Danton, derechef, donnait de la voix et, soutenu par lui, Delacroix continuait à faire front, tandis qu’Hérault revenait à la rescousse. Fouquier était hors de lui d’inquiétude et de colère : Philippeaux, Westermann, tour à tour interrogés, le confondaient, l’un avec une parfaite aisance de parole, l’autre avec sa rude franchise de soldat. Pas un instant cependant, on ne vit les accusés « se soulever, » ainsi que va l’affirmer Fouquier. « J’atteste, déposera quatre mois après un témoin, qu’il n’y a eu de