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l’ambition ni la cupidité n’eurent de puissance sur moi ; jamais elles ne dirigèrent mes actions ; jamais ces passions ne me firent compromettre la chose publique ; tout entier à ma patrie, je lui ai fait le généreux sacrifice de toute mon existence. C’est dans cet esprit que j’ai combattu... Lafayette, Bailly et tous les conspirateurs qui voulaient s’introduire dans les postes les plus importans pour mieux et plus facilement assassiner la liberté !...

« Il faut maintenant que je parle de trois plats coquins qui ont perdu Robespierre. J’ai des choses essentielles à révéler... »

Le président, au comble de l’inquiétude, l’interrompit vivement, le priant de « s’enfermer dans sa défense. »

Alors il revint sur toute sa vie, ses rapports avec Mirabeau : « C’est une chose bien étrange que l’aveuglement de la Convention jusqu’à ce jour sur mon compte, ajouta-t-il ironiquement ; c’est une chose vraiment miraculeuse que son illumination subite !

« — L’ironie à laquelle vous avez recours, s’écria Herman, ne détruit pas le reproche à vous fait, de vous être couvert en public du patriotisme pour tromper vos collègues et favoriser secrètement la royauté...

« — Je me souviens effectivement, ricana l’accusé, d’avoir provoqué le rétablissement de la royauté, d’avoir protégé la fuite du tyran en m’opposant de toutes mes forces à son voyage à Saint-Cloud, en faisant hérisser de piques et de baïonnettes son passage, en entravant en quelque sorte ses coursiers fougueux ; si c’est là se déclarer partisan de la royauté, s’en montrer l’ami, si, à ces traits, on peut reconnaître l’homme favorisant la tyrannie, dans cette hypothèse, j’avoue être coupable de ce crime ! »

Il s’expliqua alors sur ses relations avec les Lameth, l’affaire du Champ-de-Mars, son voyage en Angleterre, sa lutte avec les « Brissotins, » sa fugue à Arcis, la veille du 10 août. « J’avais préparé le 10 août et je fus à Arcis, parce que Danton est bon fils, passer trois jours, faire mes adieux à ma mère et régler mes affaires. On m’a revu solidement. J’étais aux Cordeliers... Après avoir réglé toutes les opérations et le moment de l’attaque, je me mis sur un lit comme un soldat, avec ordre de m’avertir. Je sortis à une heure et je fus à la Commune devenue révolutionnaire. Je fis l’arrêt de mort de Mandat... » Il n’avait « jamais donné sa voix à d’Orléans : » personne ne pouvait prouver qu’il l’eût fait nommer. Quant aux fonds qui lui avaient été confiés