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armemens, sinon du côté de l’Allemagne ? L’Allemagne a jugé bon, un jour, d’accroître ses forces militaires dans des proportions formidables ; c’était son droit absolu, jamais nous ne l’avons contesté ; mais, quoique l’obligation qui nous était imposée nous parût très lourde, nous n’avons pas hésité à en accepter la charge et nous avons fait le service de trois ans. La Russie, à son tour, pratique trop loyalement l’alliance pour n’avoir pas senti que le danger qui nous visait l’atteindrait fatalement par contre-coup et, si elle prend ses dispositions en conséquence, il n’y a rien là qui ne soit très naturel et très légitime. Ce sont les armemens allemands qui ont déterminé ceux de ses voisins. L’Allemagne a voulu être assez forte pour imposer son hégémonie à l’Europe ; nous avons voulu être assez forts, et la Russie l’a voulu également, pour conserver notre indépendance. Nous l’avons fait avec un élan de patriotisme où on a dénoncé une manifestation de nationalisme, dans le mauvais sens du mot, c’est-à-dire de chauvinisme. Rien n’est plus faux que cette accusation : nous n’avons eu d’autre but que de nous faire respecter. Les journaux allemands peuvent fouiller tous les nôtres : ils ne trouveront chez aucun d’eux la préoccupation de savoir s’il y a lieu de faire une guerre préventive, de provoquer des hostilités, de les commencer brusquement. Nous laissons ces thèses à l’Allemagne, qui les développe avec sa science consommée du droit des gens. Quant à nous, nous ne pensons qu’à notre sécurité. Nous n’attaquerons certainement pas les premiers, mais, si on nous attaque, nous voulons être à même de nous défendre, et il en est de même de la Russie. Il est triste d’avoir à envisager une hypothèse semblable : la lecture des journaux allemands nous en fait malheureusement une nécessité. Nous ne pouvons ni fermer nos yeux pour ne pas voir, ni fermer nos oreilles pour ne pas entendre : on parle d’ailleurs trop haut pour que nous n’entendions pas.

On espérait que l’article de la Gazette de Cologne, journal à demi officieux, serait l’objet, de la part de la Gazette de l’Allemagne du Nord, journal officieux et demi, d’observations qui en atténueraient l’effet et, pendant quelques jours, on a ouvert cette feuille avec une curiosité empressée ; mais rien n’est venu et on n’attend plus rien maintenant. La Gazette de l’Allemagne du Nord a même montré son parti pris de ne rien dire elle-même en se contentant de reproduire une note du ministre des Finances Russe qui, sous le titre de Rectification, a remis les choses au point et protesté des intentions pacifiques de son gouvernement. Ce ministre n’est plus M. Kokowtzoff, qui, disons-le en passant, a donné sa démission de la présidence du