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la réforme de l’impôt sur le revenu ne soit pas divisée. Sa politique est celle du tout ou rien.

C’est donc dans les termes que nous venons de rappeler que la bataille s’est poursuivie au Luxembourg et qu’elle s’y est dénouée. Au dernier moment, le ministère s’est nettement rallié à l’amendement Perchot qui supprimait d’un seul trait de plume nos quatre contributions directes et les remplaçait par des impôts cédulaires sur toutes les catégories de revenus. M. Perchot, dans la discussion, s’était énergiquement prononcé contre l’inquisition fiscale, il s’était montré hostile à la déclaration contrôlée, il avait prononcé les paroles les plus propres à satisfaire M. Mascuraud et son Comité, enfin il avait jeté du lest, beaucoup de lest, mais il avait conservé la carcasse du projet, ou le cadre, pour parler plus noblement. On espérait que le Sénat tiendrait compte de tant de sacrifices qu’on faisait provisoirement à ses répugnances, à ses résistances, et qu’il voterait un projet aussi expurgé. Tout avait été préparé pour lui arracher un vote en douceur, sauf à donner ensuite à ce vote sa pleine signification et sa portée. Cependant, à la dernière minute, on a craint de n’avoir pas encore assez diminué, atténué, émasculé la réforme pour obtenir de sa faiblesse que le Sénat en votât le principe, et alors, après M. Perchot, est venu M. Codet. Faisons-nous encore plus petits, a pensé M. Codet, nous passerons plus facilement. M. Perchot avait proposé qu’après avoir supprimé les quatre contributions, on les remplaçât par des impôts sur les revenus de toutes catégories ; M. Codet a supprimé les mots : de toutes catégories. La manœuvre était adroite. En visant les revenus de toutes catégories, on aurait atteint la rente et les bénéfices agricoles, ce qui soulevait de graves difficultés : ne valait-il pas mieux admettre, au moins par prétérition, que des exceptions pourraient être faites ? Tant de précautions ont été inutiles. Le Sénat ne s’est pas laissé prendre au piège qu’on lui tendait. Il a repoussé l’amendement à une majorité de six voix, majorité faible sans doute, suffisante toutefois pour renverser l’échafaudage si péniblement construit par M. Caillaux.

Il aurait fallu, comme nous l’avons dit, s’en tenir là. Quoi de plus inutile que d’interroger, à la Chambre, le gouvernement sur sa politique financière ? Cette politique n’était-elle pas connue, autant du moins qu’elle pouvait l’être à travers les variations incessantes de la pensée de M. Caillaux ? La Chambre ne savait-elle pas ce qui s’était dit, ce qui s’était passé au Sénat ? Pouvait-elle obtenir davantage ? Si elle l’a espéré, elle s’est trompée. M. Briand a prononcé un discours