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La pièce, on le voit, répond au titre qu’elle porte. Tout y est bref, non seulement la vie, mais la mort. Brève aussi fut la carrière de l’œuvre de M. de Falla. Et c’est une grande injustice que cette dernière brièveté.

Une telle disgrâce est aujourd’hui commune. On peut même observer qu’à l’Opéra-Comique, depuis quelque temps, les partitions les plus courtes, en deux ou trois petits actes, ne furent ni les moins remarquables, ni les mieux accueillies. Rappelez-vous les Armaillis, de M, Gustave Doret, et le Cœur du moulin, de M. Déodat de Séverac, la Habanera, de M. Raoul Laparra et, l’an passé, le sombre et noble Pays, de M. Guy Ropartz. Le public ne paraît plus se douter qu’il puisse y avoir un peu de musique, ou beaucoup, en peu de sons. Tel est pourtant le cas des œuvres ci-dessus nommées, et de la Vie brève après elles.

« Au commencement, » a dit Goethe, « était l’action. » Du commencement à la fin, la Vie brève n’est presque pas autre chose. Mais l’action ici n’est pas extérieure et superficielle ; on en sent le progrès, ou la course, au dedans des âmes ; elle se révèle par des traits de sentiment et de passion, les uns énergiques et même rudes, les autres ingénieux et délicats. Enfin, et cela surtout importe, si prompte qu’elle soit, elle est musicale et ne cesse pas un moment de l’être. C’est en musique, et par la musique, que le drame existe, qu’il se meut, qu’il vit. Musique en raccourci, dira-t-on, étude ou pochade sonore. Sans doute, mais comme couleur et comme dessin même, je sais de prétendus tableaux qui valent moins. Rien de négligé, de « flou » dans cette ébauche. Pour être rapide, elle n’en est pas moins ferme. Elle a quelque chose de dense et d’intense. Sous un volume réduit, la matière musicale en est riche. Jamais vulgaires, les idées y sont toujours justes, si l’on peut, à propos d’idées musicales, parler de justesse. Et nous estimons qu’on le peut, le mot signifiant ici le rapport étroit entre le sentiment à exprimer et son expression par les élémens divers, — mélodies, harmonies, rythmes et timbres, — du langage sonore. L’œuvre se tient, elle est d’aplomb et « d’ensemble. » Mais chacune des parties ou parcelles qui la composent a sa valeur propre. Les détails n’empiètent pas sur l’effet général, et ne s’y laissent pas non plus absorber.

« De la musique avant toute chose. » Elle abonde, encore une fois, en ces deux petits actes. Musicaux sont les thèmes, ou les mélodies. Musicale aussi la déclamation, dont le texte espagnol, encore mieux que la traduction française, manifeste les deux caractères, l’un verbal et l’autre sonore. Lyrique ou dramatique, le discours se partage également