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— C’est l’implacable flot qui pendant cette guerre
S’est écoulé des corps de tant de malheureux.
S’ils dorment aujourd’hui si blêmes dans la terre,
C’est que ce qu’ils avaient de sang est sous tes yeux.

Du sang ! du sang partout ! C’est désormais ta vie.
Tu désirais la pourpre, et tu l’as maintenant.
Ta mémoire, après toi, demeurera rougie :
De ton ambition Dieu fait ton châtiment.

Une marque qu’aucun diadème ne cache
Restera sur ton cœur et sur ton front pâli[1] :
La mer y passerait sans emporter la tache.
L’histoire y passera sans apporter l’oubli.

Ces vers pourraient figurer avec honneur dans les Châtimens ou dans l’Année terrible. Et j’en dirais autant d’une très belle pièce que je voudrais pouvoir citer tout au long, et qui, intitulée le Pensionnat de Neuilly, relate l’un des plus tristes épisodes de la Commune :

Elles s’en allaient deux à deux,
Toutes joyeuses, de l’église…
................
On sentait, comme dans les fleurs,
Un parfum d’âmes entr’ouvertes ;
printemps, dans ces jeunes cœurs
L’espoir ouvrait ses feuilles vertes…

La mitraille des soldats de Versailles éclate et hache littéralement « le frais pensionnat. »

En voyant épars dans le sang
Ces doux corps dont pas un ne bouge,
On aurait dit des fleurs dormant
Sur un manteau de velours rouge.

Une autre pièce, datée de 1868, a obtenu, en 1872, au concours de l’Académie des jeux floraux de Toulouse, un souci d’argent. Elle est intitulée Dans les Champs, et elle a pour épigraphe quelques vers des Contemplations. Elle débute ainsi :

C’était un jour d’été, je revenais le soir ;
L’ombre faisait trembler le sommet des collines,
Les oiseaux s’endormaient dans les buissons d’épines,
Et les troupeaux lassés allaient à l’abreuvoir.

  1. Encore une fin de vers de Victor Hugo :

    Puisque j’ai dans tes mains posé mon front pâli…

    (Chants du Crépuscule, XXI.)