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Maîtres de l’hinterland, les Romains purent doter la Tripolitaine d’une organisation défensive complète. L’idée générale qui présida à l’élaboration de ce plan fut la suivante. Les villes de la côte, qui constituaient l’essentiel du territoire romain, représentaient une double richesse, agricole et commerciale. Un système de défense, pour être efficace et pratique, devait tenir compte à la fois de ces deux élémens. Il fallait donc simultanément couvrir la zone agricole du littoral et assurer, dans toute l’étendue du pays, la liberté du commerce des caravanes. Nous allons voir par quels procédés les Romains y réussirent.

La région côtière fut protégée vers l’intérieur par une série d’ouvrages fortifiés. L’exécution n’en fut d’ailleurs pas uniforme, mais étroitement subordonnée à la configuration du terrain. A l’Ouest, entre le Chott el Djérid et la Méditerranée, s’ouvrait une voie d’invasion naturelle, la trouée de Gabès. Le premier souci des Romains a été de fermer ce couloir aux envahisseurs. Le Chott el Djerid, les montagnes du Sud-Tunisien, Djebel Toual et Djebel Tebaga, présentaient deux lignes de défense parallèles : les ingénieurs romains ont su les utiliser habilement l’une et l’autre. Le long du Chott el Djerid, ils disposèrent toute une chaîne de postes, destinés à commander la plaine et à garder les principaux défilés. Des tours d’observation surveillaient le pays à la ronde ; une route reliait ces différens ouvrages et garantissait la sécurité des communications. Nous connaissons, pour le IVe et le Ve siècle, quelques-uns de ces ouvrages défensifs : Turris Tamalleni (l’oasis de Telmin au bord du Chott el Djerid), Ad Templum (oasis de Kebili), Bezereos (Guetad el Outad, au pied du Djebel Tebaga), Timezegeri Turris (Henchir el Baguel), Ausiliumdi (ruines de Sidi Guenaou). Les noms sont déjà significatifs par eux-mêmes ; les découvertes archéologiques, — restes de tours romaines à Turris Tamalleni et Turris Timezegeri, d’un fortin à Bezereos, — nous ont déjà donné et surtout nous donneront dans l’avenir, plus encore.

Au Sud-Ouest de Gabès, le limes se repliait à angle droit le long de la côte tripolitaine qu’il allait désormais couvrir jusqu’à la hauteur de Leptis Magna. Le centre de la défense dans cette région était le plateau des Matmata, que les Romains avaient transformé en un véritable camp retranché. Une inscription trouvée en 1893, à Ras el Aïn, près de Foum Tatahouine (Sud Tunisien), mentionne la construction d’un château fort