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praticable pour accéder chez eux, rendant ainsi à la pénétration romaine vers l’intérieur le plus signalé des services.

Pendant les années suivantes, Rome poursuit lentement, méthodiquement, sa politique d’intervention sur le plateau tripolitain. La fin du Ier siècle est marquée par trois expéditions qui ont joué dans l’histoire de la découverte du continent africain un rôle capital. La première eut lieu sous Domitien et fut dirigée contre les Nasamons, qui habitaient au Sud de la Grande Syrte, à la limite même de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque. Sur leur refus de payer l’impôt qu’ils devaient aux termes des traités antérieurs, le légat de l’armée de Numidie, Flaccus, marcha contre eux. Le début de la campagne fut peu heureux, et l’affaire faillit tourner fort mal. Le général romain fut battu, son camp enlevé et mis au pillage. Mais les Barbares s’enivrèrent avec le vin qu’ils y trouvèrent en abondance. Flaccus, prévenu, revint en toute hâte. Il n’eut même pas à combattre. Les Nasamons, plongés dans l’ivresse et incapables de résistance, furent exterminés jusqu’au dernier.

Une seconde expédition romaine gagna le territoire des Garamantes et, au témoignage du géographe Ptolémée, s’avança à trois mois de marche dans l’intérieur du Sahara. Le fait peut avoir été déformé et grossi, — l’Afrique est riche en phénomènes de ce genre, — mais nous n’avons aucune raison sérieuse de le révoquer en doute. Une troisième expédition enfin, qui se place également dans les dernières années du Ier siècle, poussa plus loin encore. Un général romain, Julius Maternus, parfaitement inconnu d’ailleurs, partit de Leptis Magna, traversa le Fezzan et, après une marche de quatre mois, atteignit la région d’Agysimba, probablement l’oasis d’Asben, au Nord-Ouest du lac Tchad.

Ces dernières expéditions n’étaient, à vrai dire, que des raids aventureux, et il ne s’agissait nullement pour Rome d’étendre sa domination dans ces régions ; mais, tout au moins, eurent-elles un résultat immédiat et durable, l’établissement du protectorat romain sur l’intérieur de la Tripolitaine. Les oasis de Gharia el Gharbia, Bon Djem, Cidamus (Ghadamès) furent occupées d’une manière permanente. Le Fezzan entra à titre d’allié dans la sphère d’influence romaine, poste d’observation et rempart avancé de la civilisation européenne contre les nomades du désert.