Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tripolitaine où la zone primitive d’occupation se réduisait à une bande très étroite, proie facile et toujours tentante offerte aux convoitises des nomades du désert.

Rome n’a jamais eu la pensée de conquérir systématiquement l’ensemble de l’hinterland tripolitain. Mais en Afrique, l’offensive a toujours été la meilleure des défensives. Pour avoir la paix sur la côte, le seul moyen efficace était de dominer à l’intérieur et les Romains avaient trop l’expérience des choses africaines pour ne pas l’employer en Tripolitaine comme ailleurs. Ils reculèrent, autant qu’ils purent le faire sans danger, cette échéance redoutable. Ce fut seulement en 20 avant Jésus-Christ, qu’ils frappèrent un coup décisif ; encore fallut-il pour les décider la pression d’un danger immédiat. Les Gétules du Sud de la Tunisie s’étaient révoltés et les Garamantes de la Phazania, — le Fezzan actuel, — avaient fait cause commune avec eux. Le gouverneur d’Afrique, Cornélius Balbus, pénétra dans le pays des Garamantes, le mit à feu et à sang et emporta un grand nombre de villes dont Pline nous fait complaisamment l’énumération. L’empereur le récompensa de ses brillans succès par les honneurs du triomphe.

L’impression produite sur les nomades de l’intérieur par cette offensive hardie dut être profonde, mais, en Afrique, on a toujours eu la mémoire courte et quelques années plus tard, sous Tibère, la Tripolitaine était de nouveau en feu. Tacfarinas venait de soulever les Numides, et les Garamantes, oublieux de leurs échecs passés, avaient repris les armes. La défaite et la mort de Tacfarinas, en 24 après Jésus-Christ, rétablirent la paix pour près de cinquante ans.

En 69, un incident fortuit et, au début du moins, sans grande importance, amena de nouveaux troubles dans le pays. Ce fut une querelle entre les villes voisines, et par conséquent rivales, de Leptis et d’Oea : « Commencée entre paysans, nous dit Tacite, pour des denrées et des troupeaux mutuellement ravis, cette contestation d’abord légère, dégénéra en guerre ouverte. » Les habitans d’Oea vaincus appelèrent à leur secours les Garamantes ; ceux-ci, tout heureux d’une pareille aubaine, vinrent ravager le territoire de Leptis et assiégèrent la ville. Valerius Festus, légat de Numidie, dut intervenir. Il débloqua Leptis et, une fois de plus, rejeta les Garamantes vers le Sud. Il découvrit même, au cours de la campagne, une route plus courte et plus