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la sanction régulière de la victoire, c’est l’expulsion des vaincus. En 323, les proscrits appellent à leur secours le Spartiate Thibron, un assez vilain personnage, qui avait fait, et avec usure, ses preuves d’aventurier. A la tête d’une armée, il ramène les bannis dans leur patrie et impose à la ville une lourde contribution. Mais, après la victoire, la discorde éclate entre Thibron et ses alliés de la veille. Ceux-ci font appel à un second aventurier du même genre, qui se trouve être cette fois un Crétois nommé Mnasiclès. Les deux chefs de bandes en viennent aux mains ; Mnasiclès battu est rejeté dans la ville, que Thibron assiège. A ce moment critique, survient le troisième larron en la personne du gouverneur d’Egypte, Ptolémée Soter. Il envoie une armée en Cyrénaïque sous les ordres d’Ophellas. Cyrène est prise, Thibron mis en croix et le pays, annexé à l’Egypte (322). C’en était fait de l’indépendance de Cyrène.

La chute de Cyrène fit grand bruit dans le monde grec. Les habitans d’ailleurs ne s’abandonnèrent pas, et le souvenir de la liberté perdue resta vivace au cœur des vaincus. Plusieurs insurrections éclatèrent successivement. En 313, au cours de la guerre qui mit aux prises Antigone et les autres généraux d’Alexandre coalisés contre lui, la ville se révolte une première fois. Le gouverneur Ophellas est expulsé. Une armée égyptienne vint bientôt replacer le pays sous l’autorité des Ptolémées. L’année suivante, c’est Ophellas qui se soulève contre le roi d’Egypte. Cyrène, naturellement, embrasse sa cause avec enthousiasme, mais Ophellas est tué près de Carthage, et un autre général égyptien, Magas, reconquiert la Cyrénaïque. Troisième révolte en 277, au début du règne de Ptolémée Philadelphe. C’est Magas qui continue, cette fois avec succès, la lignée des gouverneurs usurpateurs.

Un mariage devait rendre Cyrène à l’influence égyptienne. Magas avait fiancé sa fille Bérénice à l’héritier du trône d’Egypte, Ptolémée Evergète. Ce projet d’union froissait singulièrement le sentiment national. Aussi, à la mort de Magas, y eut-il une violente explosion de patriotisme cyrénéen. La reine Apama refusa son consentement au mariage et, pour défendre sa cause, fit appel à un frère du roi de Macédoine Antigone Gonatas, un certain Démétrius. Une ambassade alla lui offrir la main de Bérénice et le trône de Cyrène. Démétrius n’eut garde de refuser une offre aussi tentante et s’embarqua en toute hâte.