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de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque. Il n’existait entre les deux régions aucune unité géographique, aucune communauté dans les traditions du passé, rien, en un mot, de ce qui, dans la nature ou dans l’histoire, contribue à former l’unité d’un pays.

Le vaste territoire que nous désignons sous le nom général de Tripolitaine n’est qu’un agrégat disparate de régions fort différentes. Au Nord-Ouest, la Tripolitaine proprement dite, comprise entre les deux golfes des Syrtes. La côte, longue de 500 kilomètres, est sablonneuse et peu accessible. On n’y rencontre qu’un seul port, et encore est-il fort médiocre, celui de Tripoli. Parallèlement au rivage court une ligne de hauteurs, le Djebel Nefousa et le Djebel Gariana, dont le point culminant, le Nekout, atteint 210 mètres. Entre la montagne et le rivage s’étend une bordure de steppes désertiques, la Djeffara, parsemée d’oasis : Zouagha, Abou Adjila, Sayat, Zenzour, Tripoli, Tadjoura, Zlitten, Misrata.

Au Nord-Est, le désert syrtique, au climat étouffant, le pays des sables et de la désolation. L’intérieur est occupé par un vaste plateau, le T’ahar ou Hamada el Homra, d’altitude uniforme (400 à 500 mètres), désert pierreux, aux roches rougeâtres dénudées, sans eau, sans végétation, sans ressources d’aucune espèce. Dans cette morne immensité, quelques oasis, séparées les unes des autres par des centaines de kilomètres, introduisent seules une tache de verdure et un élément de variété : Djalo, Audjila, Sella, Djofra, égrenées en chapelet parallèlement à la côte, Koufra, le domaine inviolé des Senoussistes, le Fezzan, Ghadamès, Ghat, postées en sentinelles avancées sur les grandes routes du désert. Quelques régions exploitables vers la côte ou sur le revers septentrional des hauteurs, une série d’oasis disséminées dans l’intérieur, les unes et les autres perdues dans les pierres, les sables ou les steppes, au milieu de solitudes désolées et inhabitables, telle est la Tripolitaine d’aujourd’hui, telle était celle d’autrefois.

En Cyrénaïque, changement complet de décor. Une bande côtière, large de 15 à 20 kilomètres, puis, en arrière, une terrasse calcaire, d’une vingtaine de mille kilomètres carrés, l’ancien plateau de Barca, le Djebel el Achdar, la montagne verte des modernes. Le plateau s’élève en deux gradins superposés, dont la hauteur moyenne est respectivement de 300 et de 600 mètres ; le point culminant atteint 750 mètres à l’Est de