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de théologiens récens au peuple chrétien, par leurs commentaires abondans et subtils sur les Saints Livres ? » Mais il n’est pas davantage avec Érasme. Nul ne se raille autant de sa théologie, de son Enchiridion, des Paraphrases. Et il l’accuse, « tout comme Luther, » d’avoir divisé l’Eglise. Lefèvre et ses disciples sont-ils mieux jugés ? Dans l’épitaphe consacrée au vieux maître, sont louées les vertus de l’homme, la science de l’érudit : pas un mot sur le prédicateur de l’Évangile. A coup sûr, Dolet ne s’inquiète pas de ces problèmes. Il s’en remet, dit-il, aux pouvoirs traditionnels du soin de fixer le dogme, et son incroyance prend ses sûretés en restant officiellement dans l’Église ; mais ne lui demandons aucune de ces convictions qui font les fidèles ou les martyrs. Avec tout l’humanisme, il peut s’indigner contre les persécuteurs. Il passera d’un œil sec devant les victimes. Que des hommes soient assez fous pour mourir au nom d’un dogme, c’est là un état d’esprit qu’il ne peut comprendre et dont il n’est pas loin de se moquer.

Après 1540, ces formes extérieures de soumission ne suffiront plus. Dolet ne se doutait point que le libertinage et l’hérésie ne sauraient trouver grâce dans des siècles aux convictions exaspérées, et que, comme Servet à Genève, il était mûr pour le bûcher.


IMBART DE LA TOUR.