Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doute que la Porte d’un côté, et le gouvernement hellénique de l’autre, s’inclineraient devant les notifications qui leur étaient faites, mais il était important de savoir dans quels termes ils le feraient. Personne ne croyait surtout de la part de la Porte, à une adhésion pure et simple. La Porte a fait son deuil de l’Épire, et il lui importe peu que la frontière helléno-albanaise, soit reportée un peu plus au Nord ou au Sud, mais la perte des îles de la mer Egée lui est infiniment sensible, et on s’attendait bien à ce qu’elle n’y donnât pas un consentement sans réserves. Les journaux parlaient même d’une protestation qu’elle ne pouvait manquer de faire, mais que l’Europe n’aurait pas manqué de repousser comme inadmissible. Quant à la Grèce, elle gagnait trop pour ne pas se résigner à perdre quelque chose, et on s’attendait seulement de sa part à l’expression de quelques regrets. En somme, les choses se sont passées comme on l’avait prévu. La réponse de la Grèce est pleinement satisfaisante, et si celle de la Porte ne l’est pas au même degré, elle est cependant acceptable et ne dépasse pas ce que le gouvernement ottoman devait à sa douleur, peut-être même à sa dignité.

Il commence par reconnaître et par rappeler que la question des îles avait été remise à la décision des Puissances : dès lors, il aurait pu s’arrêter là, son adhésion à ce que les Puissances avaient décidé étant acquise d’avance. Il a tenu cependant à exprimer son sentiment sur la solution qui lui était imposée. « Le gouvernement ottoman, dit-il, constate avec un vif regret, que les six grandes Puissances n’ont pas suffisamment tenu compte des exigences vitales de l’Empire et réglé cette question de manière à éviter toutes contestations sérieuses. » On se demande, en lisant cette phrase, quelle forme pourraient prendre les contestations auxquelles elle fait allusion, et c’est ce que n’éclaircit pas la conclusion de la note. « Le gouvernement impérial, y lit-on, conscient de ses devoirs et appréciant à leur haute valeur les bienfaits de la paix, tout en prenant acte de la décision des Puissances, concernant les îles d’Embros, de Tenedos et de Castellorizo, s’efforcera de faire valoir ses justes et légitimes revendications. » Les îles énumérées sont celles qui sont dans le voisinage des Dardanelles et sont restituées à la Porte. Celle-ci en prend acte : elle ne dit pas qu’elle prend acte de l’autre partie des décisions de l’Europe, celle qui lui enlève définitivement Chio et Mitylène ; elle s’efforcera de faire valoir ses revendications. Il faut sans doute prendre ces réticences au sérieux, mais on aurait tort de les prendre au tragique. Ces réserves de la Porte ont pour objet immédiat de sauver sa