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notre vieux système d’impôts, qu’il regarde comme excellent dans ses lignes générales et n’est pas éloigné de considérer comme le meilleur du monde. Ce n’est pas nous qui le contredirons. Notre système d’impôts, en tout cas, est celui qui convient le mieux à notre caractère, à nos mœurs, à nos besoins ; il n’est pas sorti d’une théorie, il n’est pas venu d’une importation étrangère, il est le produit de notre histoire et nous est si bien adapté qu’il n’est pas loin aujourd’hui de donner annuellement 6 milliards de recettes, avec une facilité sans égale. M. Touron repousse donc le projet de la Chambre, celui de M. Caillaux, celui de M. Perchot : il croit que le mieux est de demander à nos impôts directs ce qu’ils peuvent encore nous procurer et le surplus aux impôts indirects. C’est aussi le moyen d’aboutir à bref délai, car si on veut, avec M. Perchot, renverser d’un seul coup et refaire d’un seul jet tout notre système d’impôts, il faudra pour cela plus de temps que la Chambre n’en a devant elle, et peut-être que M. Caillaux n’en a devant lui.

M. Ribot a montré à son tour la folie d’une pareille entreprise et il a pu s’appuyer de l’autorité d’un ministre des Finances qui l’avait dénoncée autrefois dans des termes aussi catégoriques que les siens pouvaient l’être. Quel était ce ministre ? Nos lecteurs ont déjà deviné que c’était M. Caillaux. — Je n’ai jamais dit cela, a protesté celui-ci. — Je l’ai entendu de mes oreilles, a répliqué M. Ribot. — Et le lendemain les journaux, après avoir retrouvé à l’Officiel le discours auquel M. Ribot avait fait allusion, s’amusaient à en reproduire des extraits. M. CaUlaux était, à cette époque, un ministre sage et avisé ; malheureusement sa conception actuelle est à l’opposé de celle d’autrefois ; il estime aujourd’hui qu’il y aurait les plus grands inconvéniens à corriger les imperfections d’un de nos impôts directs, sans toucher aux autres, parce qu’on créerait entre eux des inégalités, qui feraient naître des injustices dont le contribuable se plaindrait. M. Ribot est resté fidèle aux idées anciennes de M. Caillaux. Il lui a fait d’ailleurs la partie belle en déclarant qu’ils étaient d’accord sur le fond et qu’il fallait en effet corriger tous nos impôts directs : il se séparait de lui seulement sur la méthode, car il persistait à croire qu’on ne devait toucher à notre édifice fiscal que d’une main prudente et patiente, c’est-à-dire en réparer d’abord une partie, puis une seconde, puis une troisième, et ainsi de suite, de manière adonner aux réformes faites le temps d’être mises à l’épreuve de l’expérience et de passer dans les mœurs, avant d’aller plus loin. La Commission a rapporté les deux premiers titres du projet de loi ; ils sont prêts à être