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connue, et fréquemment dans les hémorragies cérébrales, dans certains anévrysmes de l’aorte, dans certaines néphrites, etc.

La syphilis n’est pas seulement contagieuse, elle est aussi héréditaire, et c’est à ce titre qu’elle est surtout dangereuse pour la race et pour le pays dont elle tue les enfans dans le sein même de leurs mères. La parole navrante du professeur Fournier : « cette maladie est, de toutes, celle qui produit le plus d’avortemens et qui tue le plus d’enfans en bas âge » est tristement illustrée par les statistiques récentes. A l’hôpital Saint-Louis, par exemple, on relevait récemment 123 mort-nés ou morts avant terme sur 148 grossesses de femmes syphilitiques, et à l’hôpital Broca, plus de 73 pour 100 de mortalité analogue.

On voit quelle est l’étendue du péril dans ce pays où la trop faible natalité pose les problèmes d’avenir les plus angoissans.

C’est pourquoi tous les esprits désintéressés ont accueilli avec tant d’espoir la découverte thérapeutique d’Ehrlich. Son salvarsan et son néosalvarsan, qui sont des produits arsenicaux, marquent un glorieux retour offensif de la vieille thérapeutique médicamenteuse dont l’arsenal était surtout chimique. Mais, loin d’être en opposition avec les méthodes pastoriennes, c’est en accord avec elles et en s’appuyant cette fois sur elles qu’Ehrlich a fait son utile découverte. A l’heure qu’il est, cela ressort notamment des expériences faites à l’hôpital Broca par les docteurs Jeanselme et Hudelo, expériences qui portent sur plusieurs années et sur des milliers de cas, on peut considérer que l’on est enfin armé contre cette terrible maladie et que l’on a les moyens d’en enrayer l’évolution. Cette constatation est consolante, en dépit de quelques cas de cécité ou de mort dus au nouveau médicament, et qui sont dus peut-être à des erreurs de technique. M. Jeanselme a observé plusieurs cas irréfutables de réinfection syphilitique chez des individus traités auparavant par le salvarsan. C’est la preuve la plus péremptoire de son efficacité. En outre, dans le service du même savant, toutes les femmes enceintes syphilitiques traitées par les produits du professeur Ehrlich ont donné le jour à des enfans vivans et normaux. C’est un beau progrès et qui intéresse la nation tout entière.


La grande mangeuse d’hommes, la tuberculose, n’a malheureusement pas encore trouvé son Ehrlich, mais les progrès réalisés depuis quelques années par les pastoriens autorisent tous les espoirs.