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par adaptation et prolifère avec toutes les désastreuses conséquences. La cellule cancéreuse serait pour M. Le Dantec l’aboutissant merveilleux de l’adaptation lamarckienne de l’organisme : et la preuve, c’est qu’elle est la plus stable des cellules et c’est pourquoi elle supplante victorieusement les autres moins bien adaptées. La dernière étape de l’évolution de la substance humaine serait donc l’homme cancéreux, et ce serait lui le surhomme des poètes philosophes. Je ne sais si cette orgueilleuse constatation suffira à consoler tous les malheureux que ronge ou que guette l’horrible cancer.

Au point de vue thérapeutique, l’extirpation chirurgicale précoce reste encore le meilleur mode d’action contre les tumeurs cancéreuses..., mais, hélas ! pas contre toutes. Pourtant, les rayons X et les rayons radioactifs divers ont donné dans beaucoup de cas des améliorations qui laissent dans cette direction beaucoup d’espoir, car, en dépit de leur merveilleuse stabilité, les cellules cancéreuses semblent avoir heureusement ce défaut à leur cuirasse, d’être détruites plus facilement que les cellules normales par ces rayonnemens.

Si on peut d’autre part exprimer un vœu, ce sera que, des deux théories en présence, la vraie soit la théorie parasitaire, ou si j’ose dire pastorienne, du cancer : dans ce cas, en effet, on peut espérer quelque jour une thérapeutique sérothérapique ou vaccinothérapique du cancer. Dans le cas contraire, la guérison de ce mal affreux paraît, même dans l’avenir, beaucoup plus problématique. En tout cas, dès maintenant l’hygiène peut sans doute beaucoup comme moyen de prophylaxie anticancéreuse, car si, comme l’a remarqué M. Borrel, le cancer de la face est beaucoup plus rare dans les classes aisées que dans les campagnes, c’est peut-être que les paysans ne savonnent pas assez leurs peaux ravagées par des colonies innombrables de démodex porteurs possibles du virus. Si plus de 65 pour 100 des cas de cancer sont des tumeurs du tube digestif, n’est-ce pas parce que la culture maraîchère use du fumier des chevaux dont l’intestin fourmille de parasites, et qui sont peut-être, de tous les animaux, les plus fréquemment cancéreux (plus de 1 pour 100 d’entre eux le sont) ?


Après la tuberculose et peut-être avant le cancer, la syphilis est sans doute la plus grande faucheuse d’hommes qui soit. Il n’est pas exagéré de dire, suivant l’expression récente du docteur Roux, que la moitié des cas pathologiques sont sous sa dépendance.