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Père du romantisme, Chateaubriand le premier découvre quoi ? « notre arcane national, » autrement dit le celtisme. Il a été deux fois initié : par la lande bretonne et par l’étrange Lucile, « druidesse moderne » et véritable Velléda des Martyrs. « C’est, dit M. Schuré, parce que François de Chateaubriand a découvert une profondeur nouvelle dans l’âme de son adorable sœur Lucile, c’est grâce à cette initiation intime et précoce qu’il a su plonger un premier et si pénétrant regard dans notre passé lointain et dans nos origines nationales... » Mais a-t-il plongé ce regard dans notre passé et dans nos origines ? — Oui ! répondrait, avec un peu d’impatience M. Schuré, si nous faisions mine de quelque incertitude. Donc, Chateaubriand d’abord. Et puis, la fenêtre éblouissante est vite refermée. Le deuxième, M. de la Villemarqué, révèle à ses contemporains le celtisme. M. de la Villemarqué est ce gentilhomme breton à qui l’on doit le Barzaz-Breiz, recueil de poésies populaires. Seulement, on a prouvé que, ces gwerz et soniou, M. de la Villemarqué ne les recueillait pas avec une juste placidité : il les inventait. Poétique supercherie, ce folklore. Et avouons que le folklore est périlleux : le peuple n’y travaille pas beaucoup ; le folkloriste, énormément. Le Barzaz-Breiz, la prudence nous engage à y goûter l’aimable fantaisie d’un gentilhomme breton : M. Edouard Schuré y voit, malgré tout, une épiphanie du celtisme. Un peu plus tard, Renan caractérise la poésie des races celtiques : sentiment direct et spontané des forces de la nature, sentiment courtois et tendre (de l’amour, délicatesse d’un culte consacré aux femmes. Ce n’est pas tout, dit M. Schuré : il y a encore le prophétisme « qui s’inspire tour à tour ou à la fois des abîmes ténébreux de la nature et des effulgurations d’un monde surhumain. » M. Henri Gaidoz fonde la Revue celtique ; M. d’Arbois de Jubainville publie les trois volumes de La mythologie, la littérature et l’épopée celtiques ; M. Camille Jullian, son Histoire de la Gaule ; M. Charles Le Goffic, ses poèmes si savoureux, et M. Anatole Le Braz, ses romans de Bretagne, si émouvans, si beaux.

Mais enfin, le réveil de l’âme celtique, ce réveil que M. Edouard Schuré célèbre comme un renouveau de la France, je ne crois pas que les livres de MM. Jullian, Le Goffic et Le Braz l’attestent si évidemment. Ce sont quelques livres, et d’un mérite excellent. Le réveil de l’âme celtique, nous ne le voyons pas. Si même nous ajoutons les écrits de MM. Philéas Lebesgue, — une introduction à Six lais de Marie de France, — et Jacques Reboul, — Sous le chêne celtique, — le réveil de l’âme celtique, nous ne le voyons guère. M. Schuré ne