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« Eussions-nous ici un cardinal, je voudrais qu’il fût entendu, » et dans trois discours, au cours de ces mois de sagesse, il parvient, grâce à des déclarations personnelles d’athéisme, à empêcher la persécution. Au reste, ajoute-t-il, le meilleur moyen de rendre le prêtre inoffensif est de développer l’instruction ! « L’éducation publique est une dette sociale qui est à échéance depuis que vous avez renversé le despotisme et le règne des prêtres. » Par l’organisation de l’instruction, la République se fortifiera et s’armera. Point de persécution.

Tout cela indiquait, si on écarte surtout les déclamations plus ou moins sincères, l’état d’esprit que tout à l’heure Garat caractérisait. Cet homme qui, suivant son expression, avait « accoté son nom à toutes les institutions révolutionnaires, » écartait, par ailleurs, la Terreur que toute une meute, autour de Robespierre, appelait de ses vœux. La guillotine ne fonctionnait pas encore. Le couperet ne tenait, à la vérité, qu’à un fil. Le Comité Danton ne le coupait pas. On ne le coupera qu’au lendemain de sa chute. Ni les Girondins, ni la Reine ne devaient marcher à l’échafaud, si Danton se maintenait au pouvoir.

La Reine ! C’était un des objets de ses préoccupations ; et ce fut peut-être la cause secrète de sa chute. Tout lui commandait de la sauver et, avant tout, le souci d’empêcher avec l’Europe la reprise de la lutte inexpiable. Beaucoup de royalistes, peu tendres pour la mémoire de Danton, ont admis qu’il avait voulu sauver la Reine : Mallet du Pan devait l’écrire peu après. Sans attacher trop de créance au curieux récit qu’a fait Courtois, grand confident de Danton, il est certain qu’il se prêta à une intrigue destinée, si on ne pouvait officiellement mettre la Reine en liberté, à la faire évader. Une lettre de Danton à la Reine aurait même été saisie par Robespierre, dans les papiers duquel Courtois l’aurait retrouvée, et peut-être fut-ce la « pièce secrète » du procès Danton. Ce qui est sûr, c’est que Danton fut assiégé de sollicitations : Hardenberg, avec l’autorité que lui donne sa connaissance des affaires de l’Europe, affirme qu’au nom de l’Autriche, Mercy-Argenteau offrit à l’homme une grosse somme d’argent pour sauver la Reine : Danton aurait repoussé l’argent, mais promis son concours. Ce qui est plus sûr encore, c’est ce que Maret, fort mêlé à la diplomatie du Comité, déclare : que « la plus saine partie du gouvernement »