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la conjuration. » C’était, si Lasource était logique, demander la tête de ses deux collègues.

De son banc, Danton ne disait mot. Mais un des témoins de la scène dit qu’ « immobile à sa place, relevant sa lèvre avec une expression de mépris qui lui était propre et inspirait une sorte d’effroi, son regard annonçait en même temps la colère et le dédain ; son attitude contrastait avec les mouvemens de son visage et l’on voyait, dans ce mélange bizarre de calme et d’agitation, qu’il n’interrompait pas son adversaire parce qu’il lui serait facile de lui répondre et qu’il était certain de l’écraser. »

Cependant, un autre membre de la Droite, Birotteau, ayant succédé à Lasource à la tribune, allait plus loin que lui : Danton s’était voulu faire roi. « Vous êtes un scélérat, cria Danton, la France un jour vous jugera. » Mais la Convention semblait hésitante : la campagne menée, depuis huit jours, avec une passion inouïe contre Danton portait ses fruits et l’embarras qu’avait montré l’ « accusé » semblait l’avoir rendu suspect. L’Assemblée décréta la constitution d’une commission d’enquête. La Droite sembla triompher. Alors Danton parut résolu à brûler ses vaisseaux : « On le vit courir à la tribune, congéstionné de fureur, résolu à écraser qui voulait le perdre. « Passant devant les bancs de la Montagne, il dit d’une voix basse et comme se parlant à lui-même : « Les scélérats ! ils voudraient rejeter leurs crimes sur nous ! » La Gauche comprit, dit Levasseur, que « son impétueuse éloquence allait rompre enfin toutes les digues. » Aussi, tout entière debout, semblait-elle prête à le suivre dans son assaut. Mais en vain il demandait la parole ; la Droite la lui refusait : il s’expliquerait à la Commission. Il parut, un instant, renoncer à faire violence à l’Assemblée et fit mine de regagner sa place. Alors toute l’extrême Gauche se leva de nouveau, « l’invitant à retourner à la tribune pour être entendu » et dans les tribunes ce furent de longs applaudisse- mens. Danton criait : « Vous voulez faire assassiner les patriotes, mais le peuple ne se trompera pas. La Montagne vous écrasera! »

Et, soudain, avec une impétuosité nouvelle, il se rua à la tribune et s’y imposa.

Alors se tournant vers la Montagne, il se livra à elle tout entier. « Je dois commencer par vous rendre hommage comme aux vrais amis du salut du peuple, citoyens qui êtes placés à