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C’était elle qui, depuis 1792, épaulait bruyamment le général. Mais, avec plus d’éclat encore, Danton l’avait adopté. Dans les derniers jours, il l’avait défendu avec un acharnement qui commençait, dit Thibaudeau, à « étonner. »

Or, le 28, le bruit s’était répandu que, en dépit des promesses de Danton, Dumouriez trahissait : Girondins et Dantoniens cherchèrent incontinent à s’accabler les uns les autres sur cette trahison, — ne fut-ce que pour se dégager personnellement de l’aventure. Les Girondins semblent même avoir pris les devans. Ils auraient réclamé l’arrestation de Danton, et effectivement le bruit de cette arrestation courut. Et, soudain, les attaques de la Gironde se déchaînèrent, des salons à l’Assemblée, si violentes, que Danton, exaspéré et alarmé, se décida à faire front. La bataille allait dès lors être sans merci.


Jusqu’au bout, — en dépit de la fureur qui parfois le dominait, — Danton avait espéré qu’on s’entendrait. Le 15 mars, une suprême tentative de réconciliation avait eu lieu. Des conférences s’étaient instituées. Le girondin Bancal formulait l’espoir que de « ces conférences fraternelles où l’on s’était dit des vérités, » il surgirait « quelque chose. »

Mais plus que jamais le salon Roland y était hostile, — autant d’ailleurs que Robespierre sur sa Montagne. Dans une dernière entrevue, Danton fut au contraire pressant. Il fallait fonder la concorde sur l’oubli du passé. Guadet répondit brutalement : « Tout, tout, excepté l’immunité des égorgeurs et de leurs complices. » Danton, souffleté, resta immobile. Mais Guadet criait : « La guerre, et qu’un des deux périsse ! » Alors Danton lui saisit la main, ému devant l’abîme que, sous leurs pas, creusait cette parole, et le regardant fixement : « Guadet, dit-il, tu veux la guerre, tu auras la mort ! »

Les ponts étaient ainsi coupés et la campagne contre la Gironde commença. Robespierre, appuyé par Danton, entendait éliminer le parti de ses positions. Le 25 mars, à la Commission de défense en majorité girondine, la Convention substitua un Comité de salut public, d’où la Droite, dès l’abord en minorité, allait être chassée. Les événemens d’ailleurs écartaient fatalement les modérés à l’heure où tout devenait démesuré. Guadet avait voulu « la guerre, » il allait avoir « la mort. »