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de la Convention courraient toutes les sections et engageraient les citoyens à voler au secours de la Belgique. La France suivrait Paris.

La motion fut votée. Son auteur semblait vraiment revenu à quelques mois en arrière, bien avant ce mirage qu’il avait un instant caressé : la Révolution se faisant accueillante ; maintenant, il fallait qu’ « elle se fît terrible. »

Cette attitude cadrait avec ses dispositions, qui étaient celles d’un malade que la fièvre brûlait. Sorti de sa prostration, il s’était surexcité. Mais son âme aigrie ne s’ouvrait plus qu’aux sentimens violens. C’en était fini de la main tendue. Si les Girondins continuaient à l’attaquer, si, par surcroît, ils faisaient mine d’entraver l’action révolutionnaire, il les écraserait.

Or ils continuaient à l’attaquer follement. Le 16 janvier, comme il avait paru intervenir despotiquement dans le débat préalable au vote régicide : « Tu n’es pas encore roi, Danton ! » avait crié Louvet. Il avait protesté violemment et, pour montrer sans doute qu’il n’était pas homme à recevoir des coups sans les rendre, il avait, le 21, demandé la destitution de Roland « pour le bien de la République. » Et cependant, dans ce même discours, il avait encore « adjuré » les Girondins, notamment Brissot, de venir reconnaître qu’il s’était efforcé de « porter l’union partout. » Et il cria : « Je veux être connu ! » dernier appel que ne voulut pas entendre le salon Roland, entêté à le méconnaître.-

Cependant, contre ces gens entêtés à le « méconnaître, » Danton avait pris ses avantages. Le Comité de défense générale, renouvelé le 21 janvier sur sa demande, s’était trouvé peuplé de Montagnards, et il y était entré des premiers. Cet échec n’avait fait que surexciter l’ennemi qui, dans des pamphlets, dénonçait tantôt le « nouveau Cromwell, » tantôt l’« agent de d’Orléans. » Absorbé par sa mission en Belgique, lui, n’avait pas répondu. Aussi bien hésitait-il encore, dans cet instant, en ruinant les Girondins, à livrer toute la République à la Montagne.

C’est alors que la mort de Gabrielle Danton, exploitée par les Robespierre et les Collot, l’était venue bouleverser. Les discours de mars vont être en général empreints d’une sorte de frénésie, c’est, a-t-on dit, le fauve qui a perdu sa femelle. Cette frénésie, si elle détraque l’homme d’État, inspire bien l’orateur : les onze